mardi 5 novembre 2013
Bonnets rouges
Bonnets rouges
On aurait tort de voir dans la révolte des bonnets rouges des affinités avec le bonnet phrygien – à mille lieues de l’identité bretonne – ou avec le rouge-sang de la « lutte des classes ». Samedi à Quimper, parmi les quinze à trente mille manifestants arborant coiffe rouge et drapeaux noir et blanc – parfois même le vrai drapeau de la Bretagne, croix noire sur champ blanc – il y avait des ouvriers et des patrons, des paysans et des petites gens qu’on a tort d’appeler ainsi, puisqu’ils sont les forces vives du pays.
Ce n’était pas les pauvres contre les riches ni la gauche contre la droite, mais un peuple exaspéré par le jacobinisme, excédé par l’impôt, toujours l’impôt, un peuple soulevé contre ceux de Paris (et de Bruxelles !) qui, à coups de normes imbéciles, d’exigences administratives absurdes et de décisions politiques libre-échangistes meurtrières, sont en train de mettre à terre des gens travailleurs déjà trop asservis par le jeu malsain des prélèvements et des redistributions.
Il est significatif, d’ailleurs, que cette révolte qui a commencé sous l’impulsion de gauche – l’électorat de François Hollande autour du maire de Carhaix Christian Troadec (divers gauche) – rencontre la sympathie palpable de gens de tous milieux, et jusque parmi les forces de l’ordre. Comme nous avons pu le constater de passage en Bretagne pour ces jours de la Toussaint et des fidèles défunts, où les Bretons n’ont pas oublié de transformer leurs cimetières en océans de fleurs. On honore les morts avant de lutter pour les vivants et pour leur droit de vivre dignement de leur travail.
Significatif encore, le fait que les communistes, la CGT, le parti de Mélenchon, la Confédération paysanne, aient vu dans la mobilisation de Quimper une manipulation des travailleurs par le patronat et le grand capital. Quelle erreur de lecture ! Oui, le grand capital centralisateur et monopolistique qui – libéral, socialiste, ou communiste – place l’économie au centre de la politique au lieu de voir le vrai devoir du politique, qui est d’éloigner les malheurs et de préserver la tranquillité de l’ordre au service du bien commun, ne se soucie point des hommes ni des familles. Samedi c’étaient des hommes et des femmes qui étaient dans les rues, le plus souvent sans les enfants. Par précaution.
Ce sont des gens qui se révoltent contre le pillage et la désertification d’un pays perpétrés au nom du rêve malthusien des écologistes et de l’appât du gain. Ils voient les emplois s’échapper vers la Chine – savent-ils que, du jour au lendemain, une production devenue trop chère en Chine peut être délocalisée vers le Vietnam avant de trouver d’autres exploiteurs d’esclaves, « mieux-disants » ? Ils voient des portiques munis de caméras espionnes barrer les routes bretonnes exemptées de taxes au moins depuis Anne de Bretagne ; travailleurs et durs à la peine, ils voient des étrangers s’enrichir de leur labeur, exiger leur part, avant de les jeter ou de les presser pour rembourser des dettes contractées par d’autres au nom de rêves idéologiques. Samedi et dimanche, des « bonnets rouges » sont allés brûler deux portiques, à Saint-Allouestre dans le Morbihan et à Lanrodec entre Saint-Brieuc et Brest : la « suspension » de l’écotaxe n’a rien changé à leur sentiment de trop-plein et de trop lourd, d’un pouvoir trop pesant, trop arrogant. Voilà ce qui arrive quand on oublie le principe de subsidiarité.
Toutes ces taxes et ces obligations dictées par des technocrates vont-elles se heurter à plus fort qu’elles ? Le Portugal, l’Espagne, la Grèce ont connu leurs révoltes et rien n’y a fait. Mais pour la Bretagne, il y a peut-être autre chose : l’identité, l’attachement à une terre charnelle, une chance de sortir des faux affrontements entre exploiteurs et exploités, une fierté qui pousse déjà les « consommateurs » à préférer le label « produit en Bretagne », et puis une mémoire.
Tout n’était pas beau dans la révolte des Bonnets rouges contre la taxe sur le papier timbré par Louis XIV en 1675 pour financer sa guerre contre les Pays-Bas mais c’est un point de ralliement que les Bretons comprennent, une vieille histoire. Aujourd’hui – ironie des mots – c’est Hollande qui en fait les frais. Hollande qui, forcément, deviendra de plus en plus fébrile.
Mgr Centène, l’évêque de Vannes, ne s’y est pas trompé en dénonçant « l’ultra-libéralisme sauvage et agressif » qui est à la racine des maux endurés par ses ouailles et en exhortant les Morbihannais à s’engager dans ce combat pour tous les hommes, et pour « tout l’homme ». En s’ancrant sur le roc de leur histoire qui est chrétienne.
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