jeudi 17 octobre 2013
Le pompier et le maçon
Le pompier et le maçon
Pour soigner les douleurs sociales d'une crise, il faut agir dans l'urgence. Pour éviter les rechutes ou anticiper d'autres catastrophes, il faut un traitement de long terme, régional, national et souvent européen.
S'agissant des difficultés industrielles de l'Ouest, spécialement de l'agroalimentaire breton, Jean-Marc Ayrault prend les choses dans le bon ordre. Mais pour l'instant de manière partielle - 15 petits millions - même si la mobilisation de quatorze ministres atteste que le tocsin a été entendu.
Sur l'urgence, on est plutôt enclin à lui faire confiance. Les dispositifs existent et les amortisseurs sociaux vont fonctionner pour garantir les salaires et assurer des formations.
Le contexte politique - élections municipales, européennes et sénatoriales en 2014, régionales en 2015 - oblige le Premier ministre à respecter ses engagements. Faute de quoi les ministres et les élus socialistes et écologistes seraient rudement rappelés à l'ordre par les électeurs.
Mais il ne faut pas se faire d'illusions. L'État ne peut pas tout. Il n'est pas propriétaire de l'agroalimentaire breton. Il n'est pas en situation d'empêcher les licenciements. Il n'a pas les moyens financiers ni même politiques - il suffit d'observer les tensions au sein de la gauche - de soutenir les entreprises.
Il n'est même pas certain qu'il puisse concilier, en pleine crise, les impératifs environnementaux - l'écotaxe Borloo, déjà adoucie par Jean-Marc Ayrault - et les nécessités économiques.
Le problème breton est d'autant plus lourd et compliqué que les pouvoirs successifs n'ont pas anticipé, comme on peut le redouter demain pour l'automobile, une crise pourtant annoncée depuis longtemps. La réorientation des règles européennes, la capacité des Allemands ou des Danois à industrialiser les productions agricoles et la concurrence par les coûts ne sont pas une découverte récente.
L'État ne peut pas tout, mais il peut changer certaines règles.
Régionales : à côté de la Banque publique d'investissement, ce serait intéressant d'expérimenter un recours à un système d'épargne fléchée et garantie à travers lequel on pourrait financer directement les entreprises. La sous-capitalisation est un mal français, dans les start-up qui doivent investir des années avant d'en cueillir les fruits, et dans les entreprises de main-d'oeuvre qui ont un besoin vital d'innover pour monter en gamme. À charge pour les Régions de construire les filières et les équipements pour affronter l'international.
Nationales : les rigidités réglementaires, et les tergiversations fiscales dans la majorité, montrent que l'on n'a pas trouvé de réponse satisfaisante pour les entreprises. Alors, dans l'urgence, on bricole des « pactes ». Pour la Lorraine. Pour la Bretagne. Et si on faisait un pacte pour chaque région, pour la France ?
Européennes : il faudra bien, un jour ou l'autre, faire converger les politiques fiscales et sociales. Les électeurs ne peuvent pas comprendre que le dumping vienne de nos propres partenaires autant que des Chinois.
En Bretagne comme dans bien des régions, dans l'agroalimentaire comme dans la plupart des secteurs, le gouvernement est confronté au télescopage entre le temps court des urgences sociales, qui coûtent immédiatement, et le temps long des espérances économiques, qui peuvent rapporter demain.
Il est condamné à être le pompier et le maçon, au risque de faire imparfaitement les deux.
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