mardi 3 septembre 2013
Angela Merkel face à la droitisation de son opinion
« La Grèce n'aurait jamais dû être admise dans la zone euro. » A moins de trois semaines des élections, le 22 septembre, Angela Merkel a sorti l'artillerie lourde mercredi dernier. La chancelière allemande a pourtant toutes les chances d'être réélue. Sa formation, l'Union chrétienne-démocrate (CDU) est créditée de 39 à 42 % d'intentions de vote, contre 22 à 25 % pour le parti social-démocrate (SPD) de son rival Peer Steinbrück. Certains sondages lui accordent même un score cumulé de 47 % avec son partenaire actuel, le Parti libéral (FDP), ce qui permettrait à la coalition de gouverner ensemble pour quatre ans de plus. En réalité, les déclarations tranchées de la candidate CDU traduisent une nervosité nouvelle dans la campagne électorale allemande, qui s'illustrait jusqu'à présent par sa monotonie.
En stigmatisant la Grèce, la favorite ne s'attaque pas seulement à l'ancien chancelier SPD Gerhard Schröder, qu'elle accuse d'avoir fait entrer Athènes dans la zone euro en 2001. Car, comme elle l'a rappelé lors du duel télévisé, dimanche soir, le SPD a soutenu tous les plans d'aide à la Grèce lors des votes au Parlement. En l'occurrence, l'ennemi d'Angela Merkel n'est autre que le nouveau parti eurosceptique Alternative pour l'Allemagne (AfD). Créditée de 3 % dans les enquêtes d'opinion, la formation créée au printemps représente l'une des plus grosses inconnues du scrutin du 22 septembre. Or, depuis que le ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, a rouvert le débat sur la Grèce en déclarant fin août qu'il « devra y avoir encore un programme » pour le pays en crise, elle bénéficie d'un contexte inespéré pour promouvoir son projet phare : l'éclatement de la zone euro entre le Nord et le Sud.
A demi-mot, les instituts de sondage commencent à reconnaître que l'AfD pourrait dépasser le niveau qu'elle obtient actuellement dans les enquêtes d'opinion. Allensbach estime que 8 % des électeurs n'excluent pas de voter pour ce parti dirigé par un professeur d'économie. « Le potentiel électoral d'AfD est sous-estimé, affirme quant à elle Bettina Munimus, professeur de sciences politiques à l'université de Kassel. Ce parti est un asile pour tous les électeurs conservateurs déçus par la CDU et sa politique européenne. »
Un élément clef sous-tend son affirmation : la démographie. Sur 62 millions de personnes ayant le droit de vote, le tiers, soit plus de 20 millions, sont des retraités.. Selon la Fondation pour l'économie de marché, « l'élection de 2013 devrait être la dernière, et pour des décennies, pour laquelle la majorité des électeurs aura moins de 55 ans ».
Avec le vieillissement galopant de la population allemande, la « démocratie de retraités » évoquée en 2008 par l'ancien président de la République Roman Herzog n'est plus un mythe, mais une réalité. Si une marge croissante de retraités souffre de conditions de vie difficiles, l'électeur traditionnel de la CDU est moins concerné. Il a travaillé dur jusqu'à la retraite et connu les Trente Glorieuses, associées au deutsche Mark fort. Le retraité de droite, lecteur de la « Frankfurter Allgemeine Zeitung », ou de « Die Welt », sera plus sensible aux thèses de l'AfD qui trouvent un large écho dans ces quotidiens. A savoir que la crise de l'euro et le renflouement de pays comme la Grèce représentent pour lui une double menace : sur son épargne rongée par des taux d'intérêt bas et sur les finances publiques, qui lui versent sa pension mais devront aussi payer la facture des plans de sauvetage aux pays en crise.
Alternative pour l'Allemagne, dont les meetings de campagne regorgent de cheveux gris, est le déversoir idéal pour cette population de droite. Surtout si celle-ci est par ailleurs déçue par le virage à gauche pris par la CDU sous la présidence d'Angela Merkel. Abolition du service militaire, sortie du nucléaire, introduction d'un salaire minimum tel que la chancelière le propose désormais : autant de décisions ou projets qui rompent avec les racines catholiques et libérales du parti de Konrad Adenauer. L'AfD, qui plaide aussi pour un encadrement plus strict de l'immigration, s'adresse essentiellement à ceux qui ne se retrouvent plus dans la nouvelle ligne, sans pour autant se fermer à l'électorat de gauche, voire d'extrême gauche. « Voter pour le nouveau parti est une façon pour ces gens d'exprimer leur protestation », souligne Bettina Munimus.
Le système électoral allemand favorise d'ailleurs un tel vote car l'électeur dispose de deux voix : une pour le candidat de sa circonscription au Bundestag, l'autre pour le parti. En 2009, beaucoup d'électeurs conservateurs avaient donné leur première voix au candidat de la CDU mais leur deuxième voix aux libéraux, protestant contre la tangente à gauche prise par Angela Merkel. Le FDP avait ainsi pu enregistrer un record historique, avec plus de 14 % des votes.
Si le parti eurosceptique dépasse la barre de 5 % qui permet d'entrer au Bundestag - ce qui constituerait une surprise majeure -, il compliquera la tâche d'Angela Merkel. Faute de pouvoir constituer une majorité avec le FDP, la chancelière sera contrainte de gouverner avec le SPD dans une grande coalition, comme entre 2005 et 2009. Mais même si l'AfD recueille entre 3 % et 5 % des voix, la CDU sera confrontée à une nouvelle concurrence sur sa droite, qui risque d'avoir une influence non négligeable sur sa politique européenne.
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