TOUT EST DIT

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mardi 3 septembre 2013

En attendant les frappes américaines sur la Syrie

Au Liban la peur est là

Damas directement responsable des attentats de Beyrouth et de Tripoli  


Beyrouth, le 2 septembre 2013, 2 heures. Etrange ! Cette fois, mon voisin n’a toujours pas fait ses provisions de denrées non périssables, d’eau, de piles électriques pour les lampes de poches et de bougies… La coalition réduite aux Etats-Unis, à la France, à l’Australie, à la Turquie – avec le soutien des principaux membres de la Ligue arabe – n’a toujours pas frappé les 35 cibles désignées d’avance, cibles que le régime des Assad a fait dégager et évacuer en vitesse. Pourtant, à Beyrouth, la peur est là.
Peur des attentats, peur des conséquences de cette guerre annoncée et qui ne vient pas. Au Liban, et alors même que la vie continue – pas de mariage annulé, pas d’inauguration reportée – nous avons renoué avec toutes nos peurs. Y compris avec la peur des enlèvements. Crapuleux, un peu partout, et politiquement ciblés sur la route de l’aéroport tenue par le Hezbollah.
Les municipalités et les quartiers s’organisent, les habitants repèrent toute voiture étrangère au quartier, etc. Les enquêtes sur les attentats de Roueïs, au cœur de la Banlieue-Sud de Beyrouth, et de Tripoli ont conduit à de nombreuses arrestations, dont de gros poissons qui pensaient jouir de l’impunité de leur commanditaire syrien. Toutes les pistes conduisent à Damas, et tout particulièrement au général Mamlouk. Et le Hezbollah est sonné. Nous l’avons très peu entendu ces dernières 48 heures.
Souvenez-vous. Dès le premier attentat, début juillet, à Bir Abed, cet autre quartier du fief du Hezbollah à Beyrouth, nous avions des doutes. Nous pensions alors que, selon l’équation d’« à qui profite le crime », cela pourrait bien être Damas. Sur Bir Abed, nous n’avons encore rien de certain, ne serait-ce que parce que nous savons très peu de chose. Souvenez-vous encore… Le Hezbollah en avait interdit l’accès pendant de nombreuses heures à la Croix-Rouge, aux forces de police, à l’armée, à la Défense civile et aux journalistes. Mais, à Roueïs comme à Tripoli, les suspects ont parlé.
L’enquête a été rendue possible parce qu’un homme est allé trouver le général Riffi, ancien patron des Forces de Sécurité Intérieures, aujourd’hui à la retraite, mais toujours bête noire de Damas et du Hezbollah, pour tout lui raconter quelques joursavant le double attentat de Tripoli. L’homme accusait nommément un cheikh salafiste sunnite, très proche du régime syrien, d’être à la tête du réseau. L’homme affirmait avoir été contacté dans un premier temps, puis laissé sans nouvelles. Pris de peur, il est venu voir Riffi. Mais il était trop tard. L’attentat a eu lieu 48 heures après. Le réseau a été démantelé et les premiers aveux sont accablants. Les attentats avaient été préparés de très longue date dans un seul but : créer un conflit confessionnel au Liban.
Pour Tripoli, nous avons tous pensé au Hezbollah et à la filière syrienne parce que la méthode, le mode opératoire, tout désignait la Syrie et ses sbires au Liban. Mais Roueïs ? Le Hezbollah n’a toujours pas fait de commentaires.
Tel est le contexte dans lequel nous attendons la frappe contre la Syrie. Pour que le tableau soit complet, j’ajouterai que l’annonce des frappes a augmenté l’afflux de refugiés syriens et allongé la liste des pays demandant à leurs ressortissants de quitter le Liban. Pour l’instant, les pays du Golfe. La France a fait modifier les horaires du vol quotidien d’Air France. Avion et équipage ne passent plus la nuit à Beyrouth. Les pilotes turcs enlevés sur la route de l’aéroport sont toujours otages de leurs ravisseurs.
Frapper la Syrie, mais pas le régime ?
Les experts de l’ONU devaient remettre ce lundi 2 septembre les échantillons prélevés en Syrie. Les analyses prendront du temps et les premiers résultats escomptés ne sont pas attendus avant une dizaine de jours, voire trois semaines selon les sources. Américains et Français affirment détenir déjà certains résultats – analyses de cheveux, etc.
La réunion du G20 doit s’ouvrir à Saint-Pétersbourg le 5 septembre prochain. Imaginez-vous un seul instant Obama ou Hollande arrivant chez Poutine et lui annonçant avoir frappé son protégé syrien ? Les intérêts bilatéraux russo-américains ou franco-russes sont bien, bien plus importants que la « punition » promise à Assad ! Il n’y aura donc pas de frappe avant le 6 septembre. La Syrie sera évidemment à l’ordre du jour et les Américains, comme les Français, expliqueront pourquoi ils « doivent » agir.
A cette heure-ci de la nuit, nous pouvons raisonnablement penser que les frappes occidentales contre la Syrie n’auront pas lieu avant le 9 ou le 10 septembre, et ce malgré un Obama annonçant qu’il peut « agir n’importe quand ».
Mais que vont faire en Syrie Français et Américains, s’ils ne veulent pas abattre le régime ?
Quand le Hezbollah, sur ordre de la Syrie, avait fait exploser un camion piégé devant le Drakkar, poste des paras français à Beyrouth, le 23 octobre 1983, faisant 58 morts, la France avait réagi. Elle avait envoyé son aviation bombarder la région de Baalbeck, faisant par erreur un mort, un berger qui était là avec son troupeau et son âne dans ce maquis désert choisi comme cible.
Nous ne pouvons pas laisser une population se faire massacrer. Nous ne pouvons pas laisser des « Etats-voyous » user d’armes chimiques. Mais cela fait deux ans que nous observons et que nous laissons faire. Il y a plus de 100 000 morts en Syrie. Qu’allons-nous faire en Syrie ? Montrer que la France existe encore sur la scène internationale ? Les hommes de laFINUL sont là. Otages de premier choix. Les Chrétiens du Liban et de Syrie sont là. Eux aussi otages de premier choix. Après le bombardement du maquis de Baalbeck en 83, les Chrétiens de la Békaa ont payé le prix du retour des « croisés ».
Quel est l’intérêt de la France de se lancer dans une telle bataille ? Il est trop tard pour sauver quoi que ce soit en Syrie aujourd’hui. Pour sauver la Syrie, il fallait se boucher les oreilles et ne pas se laisser prendre dans les rets des Assad. L’homme de Damas à Paris, Michel Samaha, est aujourd’hui en prison à Beyrouth. Il a avoué être la cheville ouvrière d’une série d’attentats programmés par Damas au Liban. Un autre l’a remplacé. Samaha est chrétien. L’autre est sunnite salafiste. Damas a des hommes partout au Liban.
Une guerre, pour quoi faire ? Rééquilibrer la donne entre opposition et régime et les faire venir à Genève ? Encore une fois, pour quoi faire, alors que nul n’a confiance en la capacité de la rébellion de s’unir et de préparer la Syrie de demain ?
Alors, on donne une leçon à Assad à cause des armes chimiques – une tape sur la main – et on le laisse se débrouiller avec tous ces salafistes qui gangrènent la Syrie. Les salafistes qu’il a fabriqués et qu’il a testés en Irak et au Liban et tous les autres. Le reste du monde les observant comme des tigres en cage dans un zoo.
Si le régime syrien est destiné à perdurer avec ou sans Assad, cela veut dire que rien ne changera. Et Assad criera victoire ! Il le fait déjà face à ces frappes annoncées et qui ne viennent pas.
Il y a des démons que l’on ne chasse que par la prière et le jeûne (Matthieu chapitre 17). Répondons à l’appel au jeûne et à la prière du pape François le 7 septembre prochain, en la vigile de la Nativité de Notre-Dame.

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