TOUT EST DIT

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jeudi 22 août 2013

L’UMP obsédée par sa déringardisation

Copé et Fillon veulent battre le PS sur le terrain de la modernité
« Dans la suite des événements de 68 on voyait s’opérer une rencontre contre nature entre une droite qui, ne jurant que par la modernité internationale, s’apprêtait à bâtir le Centre Pompidou et une nouvelle gauche prompte à dénoncer le vieux discours patriotique.» Cette passion de la droite française pour la modernité américano-mondialiste, ici dépeinte par Jean Clair1, ne s’est guère amenuisée avec le temps. En effet, malgré un vote quasi-unanime contre le mariage homosexuel au Parlement, malgré un programme présidentiel prévoyant de réduire de moitié les flux d’immigration, l’UMP n’a de cesse de vouloir apparaître « moderne ». Partant, les références au conservatisme sont bannies du discours des hommes politiques de droite, tandis que celles à la modernité ou au Progrès abondent.

NKM, bien sûr, considère que « sa » droite n’est pas conservatrice, et laisse « le conservatisme à la gauche, qui en a à revendre ». Elle est loin d’être seule à tenir ce type de langage à l’UMP. Le gaulliste Alain Juppé, par exemple, accuse Eric Zemmour d’être « un peu conservateur » (ce à quoi l’intéressé, insensible à la pique, lui rétorque qu’il est même carrément réactionnaire). Xavier Bertrand juge que «  toute l’histoire des peuples, toute l’histoire du monde va vers le progrès », et préfère la « civilisation du progrès » à celle de la « régression ». Plus fort : François Fillon s’est mis en tête de faire du Progrès l’instrument du renouveau de la France – lequel Progrès ne s’oppose pas seulement à l’archaïsme technologique, mais également au « repli sur soi » et au « nationalisme », ce qui lui confère une dimension politique. Jean-François Copé et Laurent Wauquiez ont chacun, fin 2011, cherché à auréoler de modernité leur point de vue sur le protectionnisme européen. L’actuel président de l’UMP, dont les prises de position sont jugées si réacs par ses adversaires, trouve dérisoire « le regret du passé » et abhorre la « fausse modernité » – pour mieux réhabiliter la vraie.
Pire, le mot « conservatisme » n’est employé dans le discours UMP que dans sa définition simpliste, péjorative, synonyme de frilosité ou de sclérose. Le conservatisme en tant que référence idéologique n’est jamais mobilisé, par peur certainement de confusion avec cette définition vulgaire du terme. Mais par crainte, aussi, de prêter le flanc aux critiques morales des médias et de la gauche, du type : « conservateur = réactionnaire = vichyste/maurassien/fasciste = méchant ». De sorte que, lorsqu’il est accusé de conservatisme, de goût pour le passé, de sympathie pour l’immuable, l’homme de droite se sent obligé de se justifier, puis s’efforce de renvoyer le stigmate à son adversaire, plutôt que d’assumer ses couleurs et d’en démontrer la valeur.
Pour des hommes politiques de droite en quête désespérée d’une image djeune et cool, toute référence porteuse de relents passéistes, d’exhalaisons surannées, s’avère détestable. Les ministres de l’ère Sarkozy, dans l’espoir de paraître dans le vent, n’ont-ils pas été jusqu’à faire les zouaves pour le lipdub des jeunes UMP ? Ces derniers n’ont-ils pas récidivé en cédant à la mode du Harlem shake qui polluait les pages d’accueil facebook l’hiver dernier ? Nadine Morano n’a-t-elle pas adoubé, en 2009, des jeunes militants qui s’étaient présentés à elle avec des T-shirts frappés du minable slogan « I think, I work, I dance » ? Raffarin, en son temps, ne parlait-il pas avec gourmandise de la« positive attitude » de Lorie ? L’UMP toutefois est loin de régner en maître sur ce continent honteux.
Cette stratégie de communication, visant à revêtir toutes les idées de droite de modernité, à embaumer tous les projets conservateurs de senteurs progressistes, à donner, enfin, à l’appareil politique un air « stylé » – avec toute la hideur à laquelle ce terme renvoie dans la bouche des jeunes fans de Steve Jobs et du Petit Journal – semble périlleuse. La droite ne pourra que difficilement user des concepts de modernité et de Progrès avec autant de crédibilité et de légitimité que le PS2   – ni surpasser ce dernier dans l’art de la niaiserie jeuniste.
  1. La responsabilité de l’artiste. Les avant-gardes entre terreur et raison, 1997, Gallimard. 
  2. Citons « le changement c’est maintenant » de 2012, le « H for Hope » desgoodies François Hollande, le « What would Jaurès do ? » ou encore le « laisse pas crier ton fils » d’une Martine Aubry s’improvisant amatrice de rap…

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