jeudi 22 août 2013
Bayrou "se bat contre la tentation de la résignation" et égratigne le gouvernement
Dans un entretien à « Sud Ouest », le leader du Modem reproche à François Hollande et au gouvernement de ne pas s’attaquer aux problèmes clés
François Bayrou a accordé hier une interview à « Sud Ouest ». Du séminaire sur la France de 2025 à la situation économique, en passant par la sécurité et les perspectives électorales, il y balaie de larges pans de l’actualité, sans ménager François Hollande.
« Sud Ouest ». Que vous inspire la rentrée du gouvernement, et notamment le séminaire de lundi ?
François Bayrou. Tout le monde a bien senti le paradoxe qu’il y a à parler de 2025, alors que les problèmes de 2013 ne sont pas réglés, et même qu’ils s’aggravent. Bien sûr, il faut un projet de long terme. Mais c’est au président de la République de montrer cet horizon. L’idée qu’on puisse faire progresser significativement la réflexion en se mettant à 40 autour d’une table pendant une matinée ne me paraît pas sérieuse.
Rappelons-nous Clemenceau, qui a eu une phrase que j’adore : « Qu’est-ce qu’un dromadaire ? C’est un cheval dessiné par un comité. »
Que retenez-vous des propos qui ont été tenus dans ce séminaire ?
Je m’étonne qu’on n’ait guère relevé l’analyse du commissaire à la Stratégie, Jean Pisani-Ferry, selon laquelle la France de 2025 serait plus vieille, plus petite et moins riche que celle d’aujourd’hui. Je n’ai rien contre M. Pisani-Ferry. Mais si l’on se place d’emblée dans la perspective d’un tel renoncement, on risque de ne pas aller très loin. Je suis persuadé que, dans dix ans, la France peut être un pays plus prospère, plus fort et aussi jeune qu’aujourd’hui. C’est précisément la responsabilité des gouvernements de l’entraîner et de le conduire à un avenir positif.
Avec votre approche volontariste, n’apportez-vous pas de l’eau au moulin d’Arnaud Montebourg ?
Je n’apporte de l’eau au moulin de personne. Je me suis battu et je me battrai contre cette tentation de résignation. La France s’est trouvée dans des situations plus graves que celle d’aujourd’hui. En 1958, quand le général de Gaulle est revenu au pouvoir, il fallait faire appel au FMI pour payer les fonctionnaires. Et le pays s’est redressé en deux ou trois ans.
Vous pensez que le vieillissement de la France peut être conjuré. Cela ne passe-t-il pas par une politique d’immigration, sur laquelle Manuel Valls s’interroge ?
Ce n’est pas l’immigration qui doit jouer un rôle clé dans la lutte contre le vieillissement, c’est la politique familiale. C’est cette politique qui nous permet aujourd’hui d’avoir un meilleur taux de natalité que la plupart des pays développés. C’est en nous-mêmes qu’est la réponse aux questions qui nous sont posées. La France a de grandes richesses, qu’il s’agisse de nos paysages, de notre équilibre entre les villes et les campagnes, de notre recherche, scientifique et technique, ou de nos entreprises, qui ont réussi à survivre à la crise.
Pour en revenir à Manuel Valls, que pensez-vous de la politique de sécurité du gouvernement ?
Sur la forme, Manuel Valls adopte trait pour trait l’attitude de Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur. On vient de le voir à Marseille : le gouvernement fait le maximum de communication pour des résultats aléatoires. Était-il nécessaire de déplacer à Marseille une caravane de six ministres pour annoncer qu’on va y envoyer une compagnie de CRS pendant trois mois et 24 policiers supplémentaires ? Si ma mémoire est bonne, Nicolas Sarkozy, Claude Guéant et Manuel Valls, il y a un an, en avaient annoncé 200 chacun. Ça n’a rien changé.
À Marseille, la criminalité est profondément enracinée. On ne la combattra efficacement que par une collaboration approfondie entre la municipalité, l’État et la Région. Ce n’est pas en se rejetant la responsabilité, comme lors de ces dernières heures, qu’on réglera les choses. Et, à Marseille comme ailleurs, je suis persuadé qu’il faut donner plus de responsabilités aux maires dans ce domaine.
Vous dites que, globalement, les problèmes s’aggravent. Mais dans certains domaines, comme la situation budgétaire, les choses ne cessent-elles pas de se détériorer ?
C’est vrai dans les discours, mais pas dans les faits. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les derniers chiffres sur le déficit de l’État, qui augmente au lieu de diminuer. Et ce ne sont pas les dépenses qui baissent, mais les impôts qui augmentent de façon ininterrompue depuis 2010.
Mais les premières orientations budgétaires pour 2013 ne traduisent-elles pas la volonté de contenir, voire de réduire les dépenses ?
On verra bien en septembre. Mais il n’y aura pas d’économies durables si on ne s’attaque pas à une vraie réforme de l’État et si on ne réfléchit pas un peu, comme en Allemagne, où la dépense publique est inférieure de près 20 % avec un niveau de service équivalent. Dans tous ces domaines, les mots ne remplacent pas les actes.
Le labyrinthe des collectivités locales est toujours aussi complexe, et même davantage. En renonçant à la réforme du conseiller territorial, on a perdu une occasion de simplifier les choses. Sur beaucoup de questions clés, les choses n’ont pas avancé. Tout cela crée de la déception, parce que les Français sentent bien que le travail de reconstruction nécessaire n’est pas fait.
Que devrait faire François Hollande pour corriger le tir ?
L’esprit de la Ve République implique qu’il remplisse une mission d’architecte de l’avenir et qu’il se libère par rapport à sa majorité. Or, on a l’impression qu’il s’occupe surtout de préserver les équilibres du PS et de ses alliés, et pas assez de porter une vision d’avenir.
Que pensez-vous du débat sur l’inventaire entamé à l’UMP ?
Je ne m’immisce pas dans les débats internes de l’UMP sur ce point. J’imagine que la réflexion à mener sur la présidence Sarkozy est inévitable. L’UMP est un parti puissant, même s’il est divisé entre deux courants : d’un côté, ceux dont je me sens le plus proche, des responsables comme Alain Juppé et François Fillon ; de l’autre, une pratique plus agressive de la politique.
Il y a pour moi un point central : un pays, c’est une unité. Ceux qui le servent sont ceux qui le rassemblent, pas ceux qui le divisent.
Vous ne renoncez pas à l’idée d’un rassemblement incluant le centre, les modérés de l’UMP et du PS. Mais un tel scénario n’est-il pas impossible ?
Je ne dis pas que c’est facile. Mais je constate que la stratégie bloc contre bloc ne permet pas de mener les grandes réformes dont le pays a besoin. Même Sarkozy n’a pas réussi à réformer les 35 heures, alors que c’était nécessaire. Je m’efforcerai donc de continuer à militer pour un rassemblement des centres et au-delà, avec les républicains courageux, ceux qui choisissent la réforme et l’équilibre.
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