TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

vendredi 19 juillet 2013

Qui sont les Français sur lesquels pèse le plus la pression fiscale ? Un indice : pas les riches


François Hollande a estimé dimanche 14 juillet qu'il procéderait à des augmentations d'impôts en 2014 si ces dernières étaient nécessaires.

Alors que François Hollande a annoncé le 14 juillet que les impôts augmenteraient en 2014 si de telles hausses étaient "absolument indispensables", le gouvernement actuel a déjà fortement augmenté la pression fiscale. Au delà des cas particuliers de Bernard Arnault ou de la taxe à 75% sur les revenus supérieurs à 1 million d'euros, sur quels Français la pression fiscale s'est-elle véritablement accrue ?

Frederic Bonnevay Les ménages, plus particulièrement, sont frappés à double titre : bien évidemment, ils doivent s’acquitter d’un impôt chaque année plus élevé, ce qui réduit d’autant leur pouvoir d’achat ; mais, par ailleurs, en raison de la volatilité même du niveau de prélèvement, ils sont incités à épargner davantage, pour faire face à un possible tour de vis fiscal supplémentaire ou à une perte de revenus. Dans les deux cas, l’économie française se trouve prise au piège d’un cercle vicieux, puisque le reflux de la consommation domestique, ce moteur de l’activité nationale, ne peut qu’accentuer la morosité du climat conjoncturel.

Tous les Français sont touchés par ces hausses d’impôts, de surcroît, sur toute l’étendue de la distribution des revenus :
  • les ménages aux revenus les plus aisés ont vu leur taux d’imposition bondir, au cours des dernières années, du fait d’un choix politique visant à augmenter la progressivité de l’impôt

  • les classes moyennes sont prises en tenaille entre cette progressivité accrue, d’une part, et une épargne moins solide, les rendant moins capables de tirer parti des dispositifs d’incitation fiscale offerts maintenus en vigueur par l’administration

  • les ménages les plus fragiles, enfin, ne bénéficient que marginalement des aides leur étant destinées : un impôt et des soutiens devenus illisibles, à force de corrections marginales, forment une jungle dans laquelle ils peinent à se repérer. En définitive, mais pour des raisons très différente, tous les Français sont donc soumis au même régime.
 
François Tripet : Les classes aisées ont porté l’essentiel de l’effort fiscal supplémentaire depuis trois ans. Continuer à augmenter leur pression fiscale vers de nouveaux sommets ne servirait à rien : selon la courbe de Laffer, trop d’impôt tue l’impôt ; autrement dit les personnes aisées se voyant confisquer l’essentiel de leur labeur, ne travaillent plus ou travaillent moins, entraînant ainsi une chute mécanique des recettes fiscales espérées.
Il convient donc de se retourner vers les classes moyennes qui présentent l’avantage d’être numériquement beaucoup plus nombreuses en sorte qu’un rehaussement modéré (mais à répétition) finit par produire une recette fiscale supplémentaire beaucoup plus substantielle .Ainsi, plusieurs exemples sont possibles :
  • le plafonnement du quotient familial va frapper principalement la tranche supérieure des ménages de la classe moyenne

  • l’augmentation de la TVA de 19,6% à 20%  (et peut être 20,5 %) qui va rapporter 6 milliards, sera beaucoup plus sensible pour les ménages moyens que pour les familles aisées.

  • il en va de même sur la future taxe sur les smartphones et les tablettes, massivement achetées par les consommateurs de la classe moyenne au prix d’un effort d’investissement où chaque euro supplémentaire sera "coûteux".

Parmi les personnes qui composent la classe moyenne, la frange la plus fragile est composée de la masse des retraités : le relèvement des cotisations Agirc-Arrco sur les retraites complémentaires va peser d’un poids évident. Il ne faut pas perdre de vue que le tassement du pouvoir d’achat des retraités de la classe moyenne a un double effet négatif dans la mesure où cette catégorie intervient significativement dans le complément de financement des besoins des plus jeunes de la même famille, à savoir une extension  du domaine de la pénurie tant  chez les consommateurs jeunes et chez leurs grand parents.

Alors que les "vrais riches" (comme les milliardaires par exemple) ont "protégé" leur patrimoine à l'étranger ou disposent de conseils pour optimiser leur fiscalité, la classe moyenne a déjà été fortement mise à contribution. Enfin, les ménages les plus modestes sont les plus touchés et fragilisés par la crise. Dès lors, quels Français seront les plus probablement visés par la hausse de la fiscalité qui pourrait survenir en 2014 ? Est-il encore possible de ne se focaliser que sur les plus riches ou les plus aisés ?

François Tripet : Plusieurs projets sont dans les cartons et devraient toucher la classe moyenne :
  • Il en ira également de même du projet d’intégration d’une partie du revenu imposable dans les bases de la taxe d’habitation, projet suspendu et dont il ne fait pas de doute qu’il sera ressorti des cartons en octobre 2014.
 
  • Songeons également à l’augmentation des droits de mutation à titre onéreux , autorisée depuis la semaine dernière, qui va avoir un impact d’autant plus sensible que l’acquisition immobilière est modeste , ce qui correspond au spectre des prix intéressant la classe moyenne.
 
Certains commentateurs, conscients que les classes moyennes vont supporter l’essentiel de l’effort fiscal supplémentaire en 2014, tablent sur l’effet de balancier en pronostiquant qu’après le répit de 2014, les classes aisées prendront à nouveau le relais de cet effort en 2015 et années suivantes, s’il le faut.  Certes, on peut toujours augmenter l’impôt jusqu’au niveau que l’on pressent comme étant celui qui précède immédiatement le point de rupture. Durant  le siècle  passé, des gouvernants inconséquents nous ont déjà administré la preuve de leurs courtes vues.
Certains professent que les hausses d’impôts en 2014, 2015 et peut-être au-delà  ne sont pas inéluctables, puisque les prémices de la reprise se feraient déjà sentir. C’est oublier une réalité incontournable : le déficit de la France "continue" de se creuser chaque année supplémentaire quand bien même son rythme se ralentirait . Il importe donc peu que la reprise économique (à la supposer avérée) se profile ou non à l’échéance des prochains mois ou des trois prochaines années. Cette reprise pourrait alors réduire plus ou moins fortement le rythme du déficit annuel mais elle serait impropre à diminuer le déficit passé accumulé depuis 40 ans : seule une réduction drastique du train de vie des collectivités publiques et des organismes sociaux pourraient y parvenir. C’est peu dire que nous en sommes loin : le pire est que nous continuons à creuser le déficit chaque année dont le total s’ajoute aux dettes abyssales de la France. Combattre l’obésité publique française ? Une telle révolution conduirait à ruiner le clientélisme dont vivent tous les partis politiques, sans exception. Elle n’est pas d’actualité, dans quel que programme politique que ce soit. On tiendra donc pour inéluctable une hausse continue de la pression fiscale.
Frederic Bonnevay : Les mesures budgétaires prises au cours des dernières années étaient mues, entre autres facteurs, par une forte dimension symbolique : le dédoublement du socle sur lequel appuyer l’apurement du passif public, prélèvements et dépense, une progressivité accrue, un alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail en sont trois piliers.
La donne, cependant a changé – puisque les perspectives, elles, sont aussi sombres qu’elles l’étaient l’an dernier. Il s’agit désormais de se concentrer sur l’efficacité des mesures. L’heure est trop grave et l’état du patient trop critique pour se préoccuper d’autre chose que de sa survie : tout semble indiquer que les pouvoirs publics opteront, en matière de prélèvements, pour des ajustements permettant de drainer le plus de ressources, tout en limitant l’impact récessif.
Dans cette optique, une hausse de la TVA – dont chaque point rapporte plus de huit milliards à l’État, toutes choses égales par ailleurs – est une piste qui, inévitablement, reviendra dans le débat d’actualité, Un impôt efficace, suivant les termes décrits précédemment, doit avoir une base large et un taux limité. C’est à cette aune, désormais, que seront vraisemblablement jugées et retenues les solutions. Quant au reste, il s’agira davantage de baisse des dépenses fiscales, dont l’essentiel devrait relever d’une désindexation.
Une nouvelle hausse de l'impôt sur le revenu (IR) comme une taxation accrue des plus-values paraît très improbables, tant ces leviers ont été sollicités dernièrement : les recettes à en attendre seraient trop faibles, le coût économique et politique à supporter, bien trop important.

Plusieurs économistes estiment que la France aurait déjà franchi la ligne rouge en matière de fiscalité. Une ligne après laquelle les augmentations d'impôts se traduisent par de plus faibles rentrées fiscales à cause de l'effet désincitatif qu'elles entraînent. Que savons-nous des conséquences qu'auront ces hausses d'impôts sur l'économie ?

Frederic Bonnevay : C’est une question déterminante sur laquelle les avis, pour l’heure, divergent. La situation française n’est pas, dans l’ensemble, fondamentalement différente de celle de certains autres Etats européens voire même de certains Etats américains, en matière fiscale. Une violente augmentation des prélèvements a fait suite à un tout aussi brutal creusement des déficits, au lendemain de 2008, alors que les économies occidentales plongeaient droit vers le gouffre. La composition de l’impôt, certes, est peut-être plus ciblée sur quelques postes précis, mais la dynamique reste la même.
Ce niveau est certes historique et déjà proche, sinon au-delà, de son plafond "naturel" : le FMI, d’ailleurs, recommande de faire peser l’effort sur une réduction des dépenses en priorité, puisque son impact sur la croissance est moindre que celui d’une hausse d’impôts. La logique en est simple : schématiquement, le potentiel "multiplicateur" d’un euro dépensé par l’État est moindre que celui d’un euro dépensé par un acteur privé. En revanche, priver cet acteur d’un euro de ressource minimise d’autant sa consommation, l’encourage à épargner davantage – donc à dépenser encore moins – tout en pesant sur la circulation de la monnaie et la création de crédit.
En définitive, la pierre sur laquelle doit être bâtie une politique budgétaire efficace est son irréfragable crédibilité. Revenir à l’équilibre comptable en année N, en année N+1 ou N+2 a beaucoup moins d’importance que la certitude qu’auront les créanciers et les contribuables que l’État tiendra parole. De même, augmenter les prélèvements après avoir comprimé au maximum la dépense est accepté par les ménages et les entreprises si l’objectif est clair et si l’utilisation qui sera faite de ces ressources permet effectivement de croire en des lendemains meilleurs pour l’économie française. Un effort collectif visant une cible aussi clairement identifiée que les moyens exploités pour l’atteindre est beaucoup plus facilement accepté que des hausses de prélèvements à répétition, pour éviter la sortie de piste.
François Tripet : En définitive, le nœud fiscal se resserre chaque jour un peu plus sur la gorge de la France : on nous explique qu’il s’agit d’une cure d’amaigrissement nécessaire et non mortelle. On en vient à se demander si le gouvernement comporte en son sein au moins un seul médecin digne de ce nom ? Car couper l’oxygène d’un corps social plutôt que de lui enlever la couenne d’une bureaucratie obèse qui pèse trop sur ses hanches, c’est n’avoir décidément rien compris aux principes élémentaires de la santé : on ne sauve pas plus le patient en le tuant, qu’en exigeant d’un cycliste qu’il grimpe le Mont Ventoux en retenant sa respiration !
Le gouvernement a démontré la très grande difficulté à réduire le train de vie de l’Etat, des collectivités locales et des organismes sociaux. La démonstration est faite, s’il en était besoin qu’on ne réforme pas en quelques mois des mauvaises habitudes prises depuis une, voire deux générations. Faute de réduire les dépenses, il ne reste plus logiquement qu’à augmenter les recettes. Le président Hollande en est tellement conscient que, par anticipation, il ne cesse de délivrer un message contraire et apaisant car il sait que l’inquiétude est la mère nourricière de la paralysie. En matière fiscale, il ne faut surtout pas effaroucher le contribuable si on veut l’amener à accepter l’inacceptable (Gabriel Ardent qui a sans doute été le professeur de fiscalité de François Hollande à l’Ena, l’enseignait avec force). Il s’y ajoute que ceux qui vont être "tondus" sont ceux là même qui ont porté les socialistes au pouvoir, c'est-à-dire les classes moyennes. L’affaire est donc d’une singulière sensibilité !

0 commentaires: