TOUT EST DIT

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vendredi 12 juillet 2013

La finance n'est plus son ennemie !


Et soudain, Pierre Moscovici sonna le glas de la taxe Tobin...
Et soudain, Pierre Moscovici sonna le glas de la taxe Tobin. La scène se passe au Bois de Boulogne, au très chic Pavillon d'Armenonville, un ancien pavillon de chasse devenu au Second Empire l'un des haut lieu des fêtes de la bourgeoisie parisienne. Au terme d'un long et assez laborieux discours destiné à convaincre la communauté financière de renoncer au « French Bashing », sa nouvelle expression fétiche, et la convaincre que la politique économique du gouvernement ne fait pas de zig-zag (comme l'en a accusé Pierre-André de Chalendar, le patron de Saint Gobain, samedi dernier aux Rencontres Economiques d'Aix-en-Provence), le ministre des finances lance une petite bombe... La proposition de taxe sur les transactions financières avancée par la commission européenne est « excessive ». Il faut « être pragmatique et réaliste », ose donc avancer Moscovici, promettant aux banquiers ravis d'agir pour « améliorer » le projet de Bruxelles, « afin de mettre en œuvre une taxe qui ne nuise pas au financement de l'économie »...
Applaudissement nourris dans la salle, soulagée. Cela faisait plusieurs mois que l'Association Paris Europlace, puissance invitante du déjeuner d'Armenonville ce jeudi 11 juillet, dénonce un projet aux « risques dévastateurs » pour la place de Paris, selon Gérard Mestrallet. Ou enfin ce qu'il en reste après vingt ans d'errements stratégiques et politiques des gouvernements de droite comme de gauche...
L'amusant, avec cette déclaration de Moscovici, c'est qu'elle prend l'exact contrepied avec l'affirmation faite par François Hollande pendant sa campagne, et répétée pas plus tard qu'un certain 14 juillet 2012 : « Madame Merkel et moi-même, nous avons convenu d'instaurer une taxe sur les transactions financières d'ici la fin de l'année »... Nouveau couac ? En affirmant ainsi son absence de solidarité avec la ligne élyséenne, Pierre Moscovici va-t-il connaître le sort funeste de Delphine Batho ? Non. Si le ministre des finances a pris le risque d'une telle annonce, certes avec prudence (la taxe sur les transaction financière n'est pas officiellement abandonnée), on ne peut pas imaginer qu'il n'ait pas assuré ses arrières auprès du président. S'il cède ainsi au lobbying de la finance, hier vilipendée comme l'ennemi sans visage qui peut faire échouer la gauche par le candidat à la présidence de la République François Hollande, c'est donc qu'il a de bonnes raisons... 
C'est un fait, le projet de la commission européenne d'instituer une taxe de 0,1% sur les transactions sur actions et obligations et de 0,01% sur les produits dérivés ne fait pas l'unanimité en Europe. David Cameron et toute la City de Londres en a fait un cassus belli et un des motifs qui pourrait conduire le Royaume-Uni à quitter l'Union européenne. Or, dans un monde aussi concurrentiel que la finance de marché, une taxe sur les transactions financières ne peut être efficace que si elle est adoptée en même temps dans tous les pays. La mettre en place de façon unilatérale dans seulement les onze pays d'Europe continentale qui s'y sont, pour l'instant engagés, est donc une forme de suicide collectif assuré pour l'industrie financière. Elle serait « destructrice de richesse », comme l'a écrit dans une note récente la banque Goldman Sachs. James Tobin lui-même reconnaissait que son projet de taxe, qui ne concernait à l'époque que le marché des changes, n'avait de sens que si elle était imposée dans tous les pays. Pierre Moscovici a donc raison de mettre le pied sur le frein, quitte à susciter la colère des partisans acharnés de la taxe Tobin, notamment l'association Attac. 
Il ne reste plus à François Hollande qu'à dire dimanche lors de son interview télévisée du 14 juillet que la finance, qui permet à la France de placer les 200 milliards d'euros de dette émis chaque année par le Trésor, n'est plus l'ennemi à abattre, et le débat politique français aura peut-être un peu progressé dans un sens moins démagogique. 
Bien au contraire, Pierre Moscovici s'est attaché hier à démontrer à quel point la finance était utile et indispensable au financement de l'économie. Il a même appelé les banquiers de la place de Paris à passer à la caisse pour participer à la création d'un actionnariat stable pour la bourse Euronext, que l'Amérique s'apprête à nous revendre après en avoir pris le contrôle au nez et à la barbe des mêmes banquiers. 
Pour finir sur la taxe sur les transactions financières, rappelons pour le plaisir ce qu'en avait dit l'ancien ministre des finances et directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn, lors de sa récente audition devant le Sénat : « une vaste illusion qui ne va nulle part à la grande satisfaction de ceux craignent que l'on s'attaque aux vrais problème ». DSK avait ajouté, dans une forme de Hollande-bashing qu'« incriminer la finance dans le désastre économique que nous vivons en Europe en général et en particulier dans notre pays a pour moi à peu près la même pertinence qu'incriminer l'industrie automobile quand on parle des morts sur la route ». En d'autres termes, ce n'est pas l'arme qui tue, mais celui qui en fait mauvais usage... 

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