TOUT EST DIT

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vendredi 7 juin 2013

Pourquoi l'Allemagne a peur de la France

Pourquoi l'Allemagne a peur de la France


Les quelques réformes mises en oeuvre en France (allègement d'impôts pour les entreprises, plus grande flexibilité des contrats de travail dans les entreprises en difficulté, freinage des dépenses de l'État) ne modifient pas la dynamique économique de la France : dégradation de la compétitivité et du commerce extérieur, désindustrialisation, insuffisante profitabilité et maigre effort d'innovation des entreprises, grande faiblesse du progrès technique et de la croissance potentielle, arrêt de l'amélioration des finances publiques.
De plus en plus de voix officielles s'élèvent en Allemagne pour s'inquiéter de l'insuffisance des réformes structurelles et de l'effort de réduction du déficit public en France. Nous nous demandons pourquoi il y a cette inquiétude en Allemagne, alors que les Allemands, cyniquement, pourraient se féliciter de la perte de compétitivité, de parts de marché, de capacité d'influence de la France (comme ils s'étaient cyniquement félicités du passage aux 35 heures au début des années 2000), qui renforce l'Allemagne.


Il est vrai que la situation de la France peut inquiéter : malgré les quelques réformes du côté de l'offre mises en place et citées plus haut, malgré les aides fiscales aux entreprises pour la recherche, malgré les fonds publics pour investir dans le capital des entreprises innovantes, la France présente toujours des déficiences majeures de l'offre.
Le niveau des coûts salariaux est excessif compte tenu du niveau de gamme de la production (le salaire horaire dans l'industrie est de plus de 36 euros, charges sociales comprises, contre 35 euros en Allemagne, mais avec un niveau de gamme de la production beaucoup plus bas en France ; il est voisin de celui de l'Espagne, où le coût du travail est de 22 euros de l'heure). Cela explique la poursuite des pertes de parts de marché, de la dégradation du commerce extérieur et de la désindustrialisation. Le faible niveau de gamme, auquel est associée une forte sensibilité de la demande pour les produits français à leurs prix (une hausse de 10 % du prix de vente conduit à une baisse de la demande de 11 % en France et de 3 % en Allemagne), explique aussi que les entreprises industrielles françaises ont dû, depuis le début des années 2000, baisser leurs prix de vente, d'où la chute de leurs marges bénéficiaires et de leur profitabilité. Elles n'ont plus les moyens de se moderniser et de monter en gamme : en 2012, l'industrie française a acheté 3 000 robots, l'industrie allemande 19 000.

La désindustrialisation de la France confirme l'Allemagne comme centre économique de la zone

Cela conduit naturellement à la disparition du progrès technique en France : les gains de productivité sont devenus très faibles, la croissance de long terme n'est que de 0,5 % par an compte tenu de la démographie. Cette dégradation structurelle de l'économie et du potentiel de croissance explique la difficulté qu'il y a à réduire les déficits publics : il sera de 4 % du produit intérieur brut environ en 2013, d'après la Commission européenne, et de 4,2 % en 2014 : comment réduire le déficit public avec une croissance de long terme presque nulle ?
On a entendu récemment les officiels allemands s'inquiéter de cette situation, espérer que la France mette en place les réformes nécessaires. Mais pourquoi ne se réjouissent-ils pas de ces difficultés de la France ? Après tout, la perte de compétitivité de la France renforce encore plus l'industrie allemande ; le déficit public de la France devrait amener dans le futur encore plus d'investisseurs sur la dette allemande et en faire encore plus baisser les taux d'intérêt. La désindustrialisation de la France confirme le rôle de l'Allemagne comme centre économique de la zone euro ; la faiblesse générale de l'économie française et ses déséquilibres financiers renforcent aussi le poids politique de l'Allemagne en Europe et dans le reste du monde.
Pourquoi les Allemands souhaiteraient-ils alors que la France se redresse ? L'argument selon lequel l'Allemagne a besoin d'une France, d'une zone euro, forte pour avoir une économie forte est de moins en moins convaincant. D'une part, les gains de parts de marché de l'Allemagne vis-à-vis des autres pays de la zone euro compensent la faiblesse de leur demande ; d'autre part, la zone euro ne représente plus que 37 % des exportations de l'Allemagne. Plus probablement, le gouvernement allemand réalise que, si les marchés financiers finissent par s'inquiéter de la situation de la France et attaquent sa dette, l'euro ne peut qu'éclater : l'Allemagne et la France peuvent soutenir l'Espagne et l'Italie, mais l'Allemagne ne peut pas soutenir seule la France, l'Espagne et l'Italie. La fin de l'euro serait pour l'Allemagne un échec politique, mais aussi un énorme coût économique : l'Allemagne a prêté 3 000 milliards d'euros aux autres pays de la zone euro, d'où une énorme perte en capital si l'euro éclatait et si le "mark" se réévaluait.
Ces risques sont trop graves pour que l'Allemagne souhaite l'affaiblissement de la France à la seule fin de lui prendre des parts de marché, des activités productives et du poids politique

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