TOUT EST DIT

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mardi 4 juin 2013

La contre-réforme des université

La contre-réforme des université


La loi Fioraso marque un coup d'arrêt majeur au processus d'autonomie des établissements.

La décroissance et le chômage de masse sont les deux fléaux français. L'appareil productif ne cesse de se contracter en raison d'une perte de compétitivité liée au coût du travail, mais aussi à la chute de l'innovation : l'économie de la connaissance représente 3 % du PIB, contre 4 % dans l'Union européenne et 7 % aux États-Unis ou en Suède. Le chômage touche 5,3 millions de personnes, tandis que 1,9 million de jeunes demeurent sans aucune activité ou formation et que 2,2 millions d'emplois potentiels sont perdus faute de qualifications adaptées. La reprise de la croissance et de l'emploi passe donc par un vaste effort d'investissement dans la recherche et l'éducation, où l'université joue un rôle central.
Cette vérité première jointe au constat du déclassement de l'université française (4 établissements dans les 100 premiers mondiaux, contre plus de 50 pour les États-Unis et 10 pour leRoyaume-Uni, selon les études de l'université de Shanghai ou duTimes) a justifié la loi d'autonomie des universités en 2007. Elle fut la seule réforme consensuelle du quinquennat de Nicolas Sarkozy, qui s'inscrivit dans la continuité de l'adaptation aux normes internationales entreprise depuis 1990 avec la création des écoles doctorales, puis l'organisation des cursus autour du principe licence/master/doctorat.
Sous les polémiques absurdes concernant l'enseignement en anglais - dont la limitation a autant de sens que si Blanche de Castille avait interdit à Robert de Sorbon en 1253 d'user du latin -, la loi Fioraso marque un coup d'arrêt majeur au processus d'autonomie des universités qui ne va pas manquer d'accélérer le recul de l'enseignement supérieur français. Et ce pour quatre raisons.
La loi LRU avait fondé l'autonomie des universités autour du renforcement du pouvoir des présidents pour surmonter la paralysie de conseils pléthoriques. Au nom de la démocratie, la réforme crée une gouvernance bicéphale autour d'un conseil d'administration et d'un conseil académique, tout en élargissant leur composition et en affaiblissant le rôle du président. La double légitimité managériale et académique est au principe de la gouvernance des institutions universitaires de réputation mondiale. Mais leur conseil d'administration, restreint et dominé par des personnalités indépendantes, comme leur président disposent de pouvoirs très larges. La confusion des compétences et la balkanisation des responsabilités prévues par la loi Fioraso rendent les universités françaises ingouvernables.
La deuxième remise en question de l'autonomie découle de la recentralisation et du retour en force de la tutelle de l'État, dont la reprise en main de Sciences po a servi de laboratoire. Le regroupement en 30 pôles va de pair avec le renouveau du contrôle a priori de l'État, qui, sous couvert de contrats de site, entend régir depuis Paris l'offre de formations.
La prime à l'excellence, la concurrence entre les établissements et le recours à l'évaluation sont reconnus comme des principes essentiels pour la qualité de l'enseignement supérieur. Ils ont inspiré la réforme de l'université allemande avec la création de 10 établissements d'excellence qui a enclenché une dynamique de modernisation dont les résultats sont déjà tangibles. Si le rapprochement envisagé des classes préparatoires et des universités est positif, la généralisation des quotas dans les classes préparatoires, dans les IUT et dans les STS va déstabiliser les filières et les pôles d'excellence qui subsistaient, tout comme la remise en question des procédures d'évaluation.
Enfin, loin de conforter l'autonomie juridique par l'autonomie financière à travers la diversification des ressources via la hausse des droits ainsi que le recours aux fonds et aux investissements privés, la loi Fioraso la vide de toute portée réelle en rétablissant la dépendance des établissements vis-à-vis de budgets publics exsangues et cannibalisés par l'action sociale. Ainsi, en 2013, le budget des établissements reste pratiquement stable (+ 2 %), tandis que celui des aides aux étudiants bondit de 7,2%.
Le projet de loi sur l'université offre une nouvelle et navrante illustration d'une action gouvernementale où la volonté de défaire les décisions de Nicolas Sarkozy étouffe toute stratégie cohérente de modernisation, où l'obsession de prendre le contre-pied du passé exclut la compréhension du présent et la vision de l'avenir. L'université française reste confrontée à un triple défi de dégradation de ses performances face à la concurrence des institutions du monde anglo-saxon et à la montée en puissance de celles du monde émergent, d'échec de 44 % des étudiants qu'accompagnent de criantes inégalités (27e nation sur les 34 de l'OCDE) et d'insuffisance de la recherche et de coupure avec le monde économique. 
Aux antipodes de la loi Fioraso, la seule réponse passe par le renforcement de l'autonomie des universités. En refondant leur gouvernance autour d'autorités fortes et de missions clarifiées. En les laissant décider dans les domaines de la finance et des droits, des formations et des diplômes, du recrutement des enseignants et des étudiants. En acceptant la concurrence et en revendiquant l'excellence. En investissant dans l'innovation et la recherche, ce qui passe par une ouverture accrue vers l'entreprise et l'international, mais aussi par le développement de l'enseignement en ligne (seule l'École polytechnique s'y engage en France, 44 universités aux États-Unis et 7 en Asie). En cessant, comme l'a rappelé la Cour des comptes, d'adapter les formations au statut des enseignants pour repenser les formations en fonction des besoins des étudiants. Et avant tout de leur objectif premier, qui consiste à trouver un travail à l'issue de leurs études.

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