Courage politique
Le retour du printemps peut ne pas être synonyme d’espoir et de légèreté. Pour quelque 150 000 familles en France, c’est même tout le contraire : une source d’angoisse quotidienne, une peur qui vous tenaille les tripes et ne vous quitte jamais. Celle de l’expulsion, de la rue, de la honte de ne pas avoir pu mettre ses enfants à l’abri. La hantise de la vie qui bascule.
Depuis hier, et plus sûrement depuis ce matin, peuvent légalement reprendre les expulsions de locataires interrompues durant l’hiver, comme chaque année depuis 1956. Et ainsi se perpétuer un drame humain qui va concrètement toucher 13 000 familles environ puisqu’il est dit que la crise, la montée constante du chômage, de la précarisation et l’extrême tension du marché immobilier vont encore aggraver le phénomène.
Plus de 3 millions de personnes seraient mal logées dans notre pays et près de 8 millions concernées par la question. Tout ça sans parler des petits propriétaires souvent oubliés dans ce récurrent débat et qui peuvent eux aussi se retrouver en difficulté en cas de défaut de paiement. Même incomplets, ces chiffres vertigineux disent assez l’ampleur de la tâche du gouvernement et l’urgence qu’il y a à agir.
Si le dispositif de mutualisation des risques locatifs – sorte de « CMU » logement qui permettrait aux propriétaires de percevoir un loyer en cas de défaut du locataire – envisagé par Cécile Duflot est intéressant, il ne peut évidemment à lui seul résoudre le problème. D’autant que personne ne sait comment abonder ce fonds que l’État n’a pas les moyens de financer, éternel constat.
Le projet de loi que la ministre dévoilera en juin ne pourra s’arrêter à cette mesure phare ni se contenter d’intentions forcément louables mais vaines. Il faudra avoir la volonté de briser quelques tabous, comme celui de la réquisition de logements vides ou de l’encadrement des loyers, et trouver la force de résister aux levées de bouclier que cela suscitera. S’il est une question qui demande du courage politique, c’est bien celle-là.
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