TOUT EST DIT

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vendredi 22 février 2013

Le rythme de Peillon ne sied à personne

Le rythme de Peillon ne sied à personne


La réforme des rythmes scolaires pèse de plus en plus lourd dans la besace de Vincent Peillon, notre ministre de l’Education nationale. Et il s’acharne à en lâcher quelques kilos au fur et à mesure de sa visite méthodique des régions et des villes pour vendre son produit qui est loin de faire l’unanimité… Il plaide pour « l’intérêt des élèves au-dessus de tout », de ces quelque six millions de jeunes Français qui devront bientôt retourner à notre bonne vieille semaine de neuf demi-journées, soit quatre jours et demi.
Peillon promet de payer. Un joli « fonds d’amorçage » de 250 millions d’euros. Les communes qui passeront aux quatre jours et demi dès cette année toucheront ainsi 40 euros par élève – 90 euros dans les quartiers difficiles et les zones rurales déshéritées. En revanche, en 2014, seulement les communes défavorisées continueront à percevoir une allocation. Rappelons que la semaine de quatre jours avait été instaurée en 2008 par Xavier Darcos. Elle est aujourd’hui largement critiquée par les chronobiologistes selon lesquels elle fatigue les enfants et ne favorise pas les apprentissages. Aucune classe en Europe n’a, d’ailleurs, de journées si longues.
Mais tout le monde n’en est pas persuadé. Ou du moins ne veut pas l’être. Le dossier concerne les parents qui doivent revoir leur organisation. Mais surtout les professeurs. Et plus encore les collectivités locales – les enfants, on en parle beaucoup moins !
Les enseignants qui ont pris leurs habitudes et que le seul mot de « réforme » a toujours fait hurler. Leurs syndicats, bien remontés, ont par deux fois dit « non » au projet. D’autant plus que ni Bercy ni Matignon ne veulent rallonger leur sauce… Eux qui espéraient tant d’un gouvernement de gauche qui avait donné la priorité à l’éducation et promis les 60 000 postes disparus sous l’ère Sarkozy, sont d’autant plus déçus et amers. Ils redoutent également des inégalités croissantes entre les écoles au niveau des activités périscolaires.
Mais ce sont les collectivités locales qui devront organiser et financer ces activités périscolaires, recruter de nouveaux animateurs, prendre en charge le transport du mercredi et prévoir une cantine supplémentaire. Le coût de la réforme Peillon, elles le sentent venir. Le ministère l’a chiffré à 250 millions d’euros, ce qui est déjà conséquent, mais l’Association des maires de France avance le chiffre de 600 millions. Ce qui ne fait sourire personne, à gauche comme à droite.
Un sondage Harris publié ce mercredi par le principal syndicat du primaire, le Snuipp, montrait les Français globalement sceptiques et surtout absolument pas prêts à payer de leur poche quoi que ce soit de plus – c’est vrai que par rapport à 0 euro, ça fait une belle différence. Seuls 12 % considèrent que la réforme doit être mise en œuvre pour toutes les écoles dès la rentrée 2013.
D’aucuns affirment que le crédit politique de Peillon est à même de diminuer dans cette pétaudière qui ne représentait pourtant qu’un morceau de la réforme complète de l’enseignement qu’il tenait à mener. Mais la cristallisation s’est faite. Et le pari est aussi à présent politique – les municipales, c’est en 2014… Les villes sont tendues. Elles ont jusqu’au 31 mars pour déterminer si elles l’appliqueront en 2013 ou 2014. Et selon le ministère, « près de 60 % » d’entre elles « ne se sont pas prononcées ». Une quinzaine de villes s’y sont engagées publiquement, la plupart de gauche – dont Nantes. Et quelques-unes ont déjà choisi la rentrée 2013, comme Grenoble, Belfort ou Dijon. En revanche, un report à 2014 a été prévu par Lyon – gros revers pour Peillon – le problème financier étant « extrêmement important », selon son maire Gérard Collomb.
Plus grave, des « éléphants » du PS traînent violemment les pieds, comme Marseille, mais surtout Lille et Paris. Martine Aubry donnera sa décision, après moult consultations, à la mi-mars seulement. Et Delanoë, inflexible au début, se met depuis plusieurs jours à tergiverser. Il faut dire que les enseignants parisiens se sont massivement mis en grève mardi – plus de 90 % de grévistes et plus d’une école sur deux fermée, selon le SNUipp-FSU Paris. Et les animateurs de centre ont continué la fronde ce mercredi. Delanoë s’est dit « ouvert au dialogue », en précisant néanmoins qu’il ne « reculera pas ».
Le dossier, par la multiplicité de ses acteurs, est dangereux à tous niveaux pour un ministre qui veut voir aboutir une réforme à son nom. Sa seule arme et pas des moindres : le niveau pourri de jeunes Français qui sont en régression dans les classements internationaux de l’OCDE et également dans les enquêtes nationales. Lecture, dictée et calcul sont en dégringolade constante. Et ce malgré les deux heures par semaine d’aide personnalisée mise en place depuis 2008 – le problème serait-il ailleurs ?
Peillon dénonce donc une « instrumentalisation politique ». D’autant que le « précédent gouvernement avait fait une consultation de plusieurs mois sur les rythmes scolaires qui était arrivée à l’unanimité ». Pourtant, Valérie Pécresse fustige aujourd’hui une « réforme mal préparée ». Sa consultation à lui n’aurait donc pas été du goût de tous ? S’il convient ne pas vouloir « passer en force », « il y a une certitude, tous les enfants de France seront en 2014 aux 4 jours et demi »…  Il faut « faire un effort et se reprendre » ! Il pourrait peut-être aussi se reprendre sur ses propos dépénalisant le cannabis : un bon facteur de plus pour déconcentrer les élèves, il semble.
Non, vraiment, comme l’a dit Libération, Peillon n’a pas le sens du rythme.

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