L'ex-chancelier allemand, à l'origine d'une refonte de la protection sociale outre-Rhin, admet que la rigueur étrangle l'économie grecque. Pour être acceptées par la population, les réformes doivent être plus étalées dans le temps.
7 ans après la fin de son dernier mandat en tant que chancelier d’Allemagne, Gerhard Schröder est fier de son bilan. « L’Allemagne était l’homme malade de l’Europe. Aujourd’hui, le pays est guéri », estime l’invité d’honneur du Medef. Présent à l’Université d’été de l’organisation patronale, le 31 août, l'ex-chancelier a en revanche fait l'impasse sur le taux de pauvreté du pays, qui a grimpé de 4,5 points pendant ses deux mandats. (Voir la note de la DG Trésor publiée en août).
Des rêves de copier-coller
Issu des rangs de la gauche sociale-démocrate allemande, Gerhard Schröder a quitté la politique pour rejoindre le monde des affaires en tant que président du conseil de surveillance de Gazprom. Et il fait rêver les patrons français : « S’il y a un programme que nous adorons, c’est l’agenda 2010 », lâche Laurence Parisot. A la tête du Medef pour encore un an, la patronne des patrons attend de l’ex-chancelier les « recettes » pour « copier-coller » le modèle allemand en France.
Raté. Les réformes de Gerhard Schröder ne s’exportent pas sous forme de kit. « Le modèle allemand ne peut pas être transposé tel quel. Chaque nation doit choisir sa voie », fait savoir l’ex-chancelier, conscient des différences « d’expression politique » à travers l’Europe. Les économies des 27 ont le devoir d’être « plus compétitives », mais cet objectif commun ne doit pas reposer sur une politique d’austérité brutale. « La rigueur seule ne permet pas de dépasser la crise », reconnaît M.Schröder, à l’aune de l’exemple grec.
« Le véritable problème n’est pas la Grèce »
Depuis quelques mois, le débat fait rage entre Bruxelles et Athènes : le pays mérite-t-il un délai supplémentaire pour mener à bien certaines réformes ? La chancelière Angela Merkel s’y refuse…contrairement à M.Schröder : « Il faut donner du temps aux responsables politiques pour réaliser ce qu’on attend d’eux. »
Le ton de l’ex-chancelier risque également de déplaire aux citoyens allemands, dont 54% aspirent à voir la Grèce quitter la zone euro. L’effort fiscal réalisé par Athènes, estimé à 20% du PIB national (augmentation d’impôts et coupes budgétaires cumulées), est sans précédent, rappelle-t-il. « Le véritable problème n’est pas la Grèce, évacue l’ex-dirigeant. Ce n’est pas une crise monétaire, mais une crise politique » qui se dénouera selon lui grâce au traditionnel moteur franco-allemand.
Couple virtuel
Désireux de ne pas s’enfermer dans cette relation bilatérale, François Hollande a souhaité infléchir le schéma historique. Présent aux côtés de l’Espagnol Mariano Rajoy le 30 août, il a également multiplié les rencontres avec l’Italien Mario Monti, qu’il voit le 4 septembre. Lors du dernier Conseil européen, les trois pays s’étaient retrouvés sur les mêmes positions, quand Berlin donnait le sentiment d’être mis en porte à faux.
La relation franco-allemande est « indispensable », admet Romano Prodi, également invité du Medef. Mais pour l'ex-président de la Commission européenne, elle « ne suffit pas ». La mauvaise gestion de la crise, alors que s’égrainaient « 25 ou 26 sommets franco-allemands », est selon lui l’exemple le plus probant de ces dysfonctionnements.
Les deux pays seraient à contretemps. L’Allemagne garde le fédéralisme européen en tête, mais « ne veut pas aller de l’avant » pour y parvenir. La France, quant à elle, n’a pas de prétention fédérale, « mais elle est prête à faire des démarches pour », ironise Romano Prodi. Avec, pour conséquence, de former un couple virtuel. « Il y en a un qui fait l’équipe du matin, l’autre l’équipe de nuit, s’amuse l’ancien professeur d’économie industrielle, mais ils ne se rencontrent jamais pour faire des enfants. »
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