TOUT EST DIT

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lundi 21 mai 2012

800 millions d'euros par jour : en vidant leurs comptes bancaires, les Grecs vont-ils précipiter le chaos ?

La Grèce est de nouveau entrée ce vendredi en campagne électorale pour les législatives du 17 juin. Restent les craintes provoquées sur les marchés en cas de sortie du pays de la zone euro, sans oublier les Grecs qui aggravent la défiance vis à vis de leurs banques en vidant leurs comptes.
«Quand on parle pognon à partir d’un certain chiffre tout le monde écoute ». Difficile de trouver meilleure réplique que celle imaginée par Michel Audiard et prononcée par Jean Gabin dans le Pacha (et oui, il ne s’agit pas du Audiard qui monte les marches à Cannes actuellement…) pour caractériser les informations qui sortent à propos de la Grèce.

Car on vient de découvrir avec effroi que les Grecs retirent 800 millions d’euros par jour de leur compte en banque, après avoir calculé qu’une sortie de la zone euro coûterait 55 milliards d’euros à la France. La Grèce retourne aux urnes au mois de juin dans l’espoir de dégager une majorité pour diriger le pays. Cette incertitude politique accentue l’incertitude économique. Face au risque de quitter la zone euro, les Grecs adaptent leur comportement et retirent l’argent des banques.
La Grèce poursuit donc sa descente aux enfers, et franchit un nouveau palier dans la crise : le retrait massif des capitaux hors des banques du pays. Les habitants retirent leurs avoirs des banques grecques. A première vue, on pourrait y voir de la défiance par rapport aux banques du pays : les habitants n’ont plus confiance dans les banques et donc ils préfèrent retirer leurs économies, ceci est un phénomène classique de défiance bancaire et nous pourrions trouver nombre d’illustrations au cours de l’Histoire. Toutefois, la Banque centrale européenne et son président Mario Draghi ont montré une détermination sans faille à éviter la défiance vis-à-vis des banques ainsi que risque systémique. Il fait peu de doute qu’il interviendrait pour assurer la liquidité des banques, comme il l’a déjà fait à travers les deux LTRO.

La vraie crainte des Grecs est plutôt liée à une sortie de la zone euro et un retour à une monnaie nationale. En effet, l’expérience argentine de 2001 offre un bon exemple de ce qui peut se passer quand un État décide de modifier sa politique monétaire (en Argentine le Peso était arrimé au dollar américain). Une sortie de la Grèce signifierait que l’Euro deviendrait une monnaie étrangère pour les Grecs. Dès lors, les avoirs en euros dans les banques grecs seraient convertis en monnaie locale à un taux de conversion déterminé par le gouvernement. Et là, en général, l’État choisit un taux de conversion qui l’arrange et qui lui permet de récupérer des euros à pas cher.

Car dans ce type de situation on assiste à une augmentation de l’inflation liée à la dévaluation de la monnaie, faisant que même si le pays fait de la croissance dans dix ans, au niveau individuel vous avez perdu vos économies et vous ne les reverrez jamais à cause du taux de conversion désavantageux et de l’inflation. Un second risque pour l’épargnant est ce que les économistes nomment « la répression financière », c'est-à-dire que l’État décide que vous ne pouvez plus disposer comme vous l’entendez de votre argent en devise (ce qui serait sans doute le cas si la Grèce sortait de l’euro et même peut-être si elle y restait, les ménages et les entreprises ne pourraient plus utiliser leurs euros comme ils l’entendent).

Ainsi, l’État peut utiliser ces réserves de devise à sa guise en les transformant en monnaie locale à un taux de change qui lui convient. Tous ces phénomènes mènent à la réduction du pouvoir d’achat des habitants et des entreprises. Face à ce risque que peuvent faire les administrés ? Et bien pas grand-chose… Une fois la machine lancée pas moyen de l’arrêter. Alors, les gens anticipent et préfèrent retirer leur argent des banques pour éviter cette capture. Ce comportement rationnel à l’échelle individuelle s’avère entrainer des effets négatifs d’un point de vue collectif. Cette situation déstabilise encore plus le système économique et financier du pays en provoquant ainsi un comportement de défiance vis-à-vis des banques au niveau national, mais aussi au niveau international à travers le risque de contrepartie (les banques grecques perdraient la confiance de leurs partenaires (autres banques et entreprises).
Que faire face à cette situation ? Plusieurs possibilités : soit l’Europe paie et assure que la Grèce reste dans la zone euro et en plus elle propose un plan pour relancer l’économie grecque tout en continuant les réformes structurelles. Le risque est que les gouvernants grecs prennent l’argent et ne fassent rien. La deuxième possibilité est de préparer une sortie ordonnée de la zone euro en évitant une spoliation des épargnants, ceci nécessiterait encore une très bonne coopération entre les Européens et la Grèce ce qui ne semble pas vraiment le cas actuellement. Troisième possibilité, ne rien faire en se disant que cela va permettre un nouveau départ au dépend des épargnants et des entreprises. C’est ce que l’on a pu observer en Argentine lors de la crise de 2001. Il faut, toutefois, garder à l’esprit que le « redressement » de l’Argentine n’est pas lié à sa gestion de la crise, mais bien plus à une évolution favorable des prix des matières premières et à la croissance de ses voisins comme le Brésil.
En conclusion, la Grèce connaît un nouvel épisode dans la crise qui cette fois intervient au niveau des comportements individuels. La prochaine étape étant les « bank run », où les gens font la queue devant les guichets. Il est clair que les Grecs ont intégré l’idée que leur pays puisse sortir de la zone euro et adaptent leur comportement pour minimiser leur perte. Ainsi, petit à petit le chaos s’installe et les prochaines élections pourraient ne pas apporter de réponses ni aux Grecs et ni marché.

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