TOUT EST DIT

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jeudi 27 décembre 2012

TOUS LES JOURS FÊTE ?


« Pourquoi n'est-ce pas tous les jours Noël ? » La question posée, hier, par un enfant avait de quoi déstabiliser ses parents. Ils finirent par lui répondre de manière un peu énigmatique : « Tu sais, si c'était toujours Noël, ce ne serait plus jamais Noël. »
Cette réponse allait à l'essentiel. Elle soulignait l'exceptionnalité de la fête qui n'est telle que par contraste avec la routine du quotidien. Toute fête est rupture. De rythme, de style de vie, de valeurs affichées... Bref, une forme d'inversion qui peut aller jusqu'à la subversion, réelle ou symbolique. On pense aux carnavals, aux fêtes des fous au cours desquelles tous les rôles s'échangeaient dans un délire orgiaque dont nos fêtes portent encore la trace : celle de la fantaisie, de l'excès, du dépassement de la limite dans un moment d'apesanteur.
Toute fête est « vacance », congé donné aux soucis du quotidien, pour un temps.... Car cela ne durera pas, on le sait bien. Mais justement, c'est ce qui rend cette récréation si indispensable à la re-création des énergies individuelles et collectives. Car le festif est par nature collectif, sinon communautaire, comme l'illustre si bien la fête sportive, formidable instant de communion, de fusion, dans un vertige grisant et potentiellement dangereux.
À la question « la communauté humaine peut-elle vivre sans fête ? », la réponse ne fait aucun doute. L'inscription du fest-noz au patrimoine commun de l'Humanité vient d'ailleurs d'en rappeler la centralité dans l'histoire de l'Ouest.
Si la fête est exception, est-ce à dire qu'elle ne serait que parenthèse dans le cours des jours ordinaires ? C'est ce que pense l'Homo festivus épinglé par l'essayiste Philippe Muray. Un être représentatif d'une époque qui s'épuise à « faire la fête », qui « fête la fête » à tout prix, comme on s'adonne à une drogue. Ah, les calamiteux retours de soirées qui laissent un goût de cendre. Mais on a fait la fête ! Tout est en ordre et tout est dans l'ordre du système économique qui y pousse activement. Une sorte d'« apocalypse joyeuse ! »
Retour, ici, à la question de l'enfant et à son désir de permanence de la fête. Un désir pas si fou. Car si la fête se juxtapose au quotidien, pour le rendre supportable, il lui revient aussi de le métamorphoser par son énergie transfiguratrice. Comme si la banalité se mettait à vibrer autrement, sous un jour inattendu. Ce qui implique non de « faire la fête », mais de se mettre en fête dans l'espoir d'une joie prolongée au-delà de l'instant festif.
On entend l'objection : baratin, allez donc dire cela à ceux qui, pour mille raisons, ne sont pas « à la fête » ! Justement, puisqu'il est question de Noël, fête de la nativité du Christ, on voit bien que ce fils de migrants n'est pas né avec une cuillère d'argent dans la bouche mais, comme certains enfants de Sangatte et d'autres squats, pratiquement en plein air, dans une étable. Et le plus extraordinaire dans cette histoire tient à la jonction du plus extravagant (Dieu devenant homme, selon l'Évangile) et du plus ordinaire (une naissance sans bruit qui pouvait passer inaperçue).
C'est par ce court-circuit phénoménal que devient possible, comme l'a dit frère Roger Schutz de Taizé, un « regard qui perçoit des trésors dans les plus humbles événements », regard qui met toute la vie en fête. Ce que disait aussi un sage chinois que l'on interrogeait : « Pourquoi montes-tu sur la montagne ? » Il répondit : « Pour mieux contempler la plaine.

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