TOUT EST DIT

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dimanche 23 décembre 2012

La France est-elle en train de faire une dépression ?


Face aux mauvais chiffres du chômage et aux tristes perspectives pour la croissance, François Hollande était contraint d'annoncer une année 2013 difficile pour la France vendredi matin sur Europe 1. Entre une économie paralysée, une identité en crise et des exilés toujours plus nombreux, la France semble être tombée en dépression.

Dans son interview accordée à Europe 1 ce matin, François Hollande a déclaré que l’année 2013 allait être difficile pour les Français et qu’il allait falloir s’accrocher. Ces propos sont-ils le reflet d’une France en dépression ?

Dimitri Casali : Tout à fait, et les paroles de François Hollande lors de son voyage en Algérie témoignent parfaitement des origines de cette dépression française. Depuis maintenant trop longtemps, la France a une lecture culpabilisante de son histoire et elle distille cela dans ses manuels d’histoire qui empoisonnent les consciences de nos enfants. Nous leur apprenons qu’aux 17ème et 18ème siècles, ils ont été des méchants esclavagistes, puis des méchants colonialistes au 19ème et enfin de méchants collaborationnistes au XXème sièclePas étonnant après cela que les chiffres PISA révèlent que 71% des jeunes Français aient peur de l’avenir et que seulement 17% croient en l’avenir de leur pays quand les jeunes anglo-saxons croient aux leurs à hauteur de 75%. Cette comparaison démontre bien qu’il s’agit là d’un mal culturel qui nous fait perdre des marchés et des positions économiques partout dans le monde. Pour citer un exemple simple, il y quelques années je proposais un jeu stratégie basé sur l’empire napoléonien aux entreprises françaises qui l’ont toutes refusé en prétextant qu’il s’agissait d’un horrible dictateur. J’ai fini par être employé par des Anglais pour aider au développement de Napoleon Total War qui s’est vendu à des millions d’exemplaires dans le monde et qui é créé plusieurs dizaines d’emplois. Au lieu d’avoir honte, nous devrions nous servir du soft power à la franaçise et de notre exception culturelle qui est une réalité pour avancer. Nous sommes le pays le plus pessimiste du monde alors que les Chinois se font construire des Versailles miniatures et qu’aucun endroit au monde n’est plus visité que la France
David Gourion : La métaphore d'un François Hollande psychiatre au chevet d'une France malade est pertinente. Pour devenir un bon psychiatre, il faut apprendre à savoir bien faire trois choses : savoir établir le bon diagnostic, savoir choisir le bon traitement, et le plus important, savoir comment faire que le patient accepte réellement de prendre son traitement. Et pour faire en sorte que le patient (ici donc la France) prenne le traitement sans trop rechigner, il faut gagner sa confiance et son respect. Bien évidemment, aucun malade n'accepte de se soumettre à une cure drastique sans être convaincu de la légitimité, de l'autorité professionnelle et du savoir faire de son médecin ! En outre, l'Art d'un Président-Médecin résidera dans sa capacité à réduire au maximum les effets secondaires de son traitement, ou du moins à faire preuve de suffisamment de pédagogie pour rassurer un patient légitimement inquiet.    
Ici, le Président-Médecin nous prévient: la cure sera très lourde, on va souffrir, il faudra tenir. Cela s'approche de la rhétorique d'un Churchill en temps de guerre: "du sang, des larmes...". Sauf que la France n'est pas en guerre. Sauf que les Français ne sont pas les anglais. Et sauf qu'Hollande n'est pas Churchill.
Hugh Schofield : La dépression française n’est pas un phénomène nouveau. Je me souviens qu’il y a quinze ans lorsque je suis arrivé en France, le premier sujet que Londres m’a demandé de traiter était « la morosité française ». Il me semble donc que c’est quelque chose qui est ancré dans l’âme des Français depuis la fin des années 70 et même si une partie du peuple a cru que les choses pouvaient s’améliorer avec la prise de pouvoir de la gauche de François Mitterrand, la dépression est vite revenue dans l’esprit commun. Et malheureusement, si rien ne change, je ne crois pas que cela puisse aller en s’améliorant vu les nouveaux bad vers lesquels va la France.
Il me semble que le motif principal de ce mal être des Français est plus généralement celui qui explique une partie de la dépression de l’Occident. En effet, des générations entières de petits occidentaux ont été éduquées comme s’ils étaient les maitres du monde la différence entre ce qu’il y a dans les livres d’Histoire et la réalité est parfois difficile à accepter. La roue tourne et le monde tourne. Les Français plus encore que les autres ont été élevés dans cette logique à cause de l'histoire de la France et de tout ce que le pays a inventé, la Révolution, les Droits de l’Homme et cela rend douloureux l’idée que les autres pays ne suivent pas son évolution ni ne s’en inspirent. C’est la fin d’un idéal et d’un projet pour le monde.

Quels sont les principaux symptômes d'un tel mal ? Quelles seraient les autres pathologies psychiatriques de la France ?

David Gourion : Les principaux symptômes d'une dépression sont les suivants: fatigue, tristesse, pessimisme excessif, perte d'espoir. Il perd son énergie et sa puissance créative et sa capacité d'innovation. Il n'arrive plus à prendre de décision. Sont-ce les symptômes de la France ? Sont-ce les symptômes d'un gouvernement que l'on sent indécis et anxieux ? Le déprimé perd aussi toute envie sexuelle. Si la France est une femme et le gouvernement son homme, la libido semble clairement en berne
Mais qui sait, quand on se donne vraiment et que l'on est suffisamment créatif, on peut toujours faire renaitre le désir !

La tentation de l'exil fiscal (ou tout court) et les déclarations de certaines personnalités témoignent-elles d’une perte d’estime des Français pour leur nationalité ? 

Dimitri Casali : Les Français ne reçoivent plus aucune éducation qui puissent les encourager à une quelconque cohésion sociale. Cette-ci a été galvaudée par les élites intellectuelles de notre pays qui renient fondamentalement les valeurs de la République française et il ne faut pas s’étonner après cela que des riches Français s’exilent. Je ne parle même pas des stars mais plutôt des jeunes chefs d’entreprisesissus des plus grandes écoles de France et qui ne se sentent pas Français, qui n’en tirent aucune fierté.
David Gourion : Je crois que l'explication est beaucoup plus simple. Cela témoigne d'un besoin instinctuel primaire universel indispensable à la survie et commun à toutes les espèces animales: se protéger soi-même.  Comme le disait Darwin: "Le diable, sous l'apparence du babouin, est notre grand-père". 
Hugh Schofield : Dans le cas de Gérard Depardieu, je ne crois pas que l’on puisse dire qu’il ne souhaite plus être français. Si on met à part la question de l'exil fiscal qui est purement matérialiste, je crois que son coup de gueule témoigne juste d’un coup de colère qu’il regrette déjà probablement en partie. Gérard Depardieu représente l’essence même de la France, il est son acteur par excellence. Tout en lui est français, sa fierté, sa gouaille, son amour du vin et de la bonne nourriture, sa franchise, sa façon de renverser l’establishment. Même sa colère est française et c’est pour cela qu’il a été difficile pour le gouvernement de le voir partir car c’est une symbolique très forte. A mes yeux, il est Français et le restera. Plus généralement, les Français sont toujours victimes de ce déchirement permanent entre la fierté et l’excuse de leur passé ainsi que le manque de réussite de leur présent. Les deux sentiments coexistent et la période est donc dure pour les Français mais en aucun cas je crois qu’ils ne veulent plus de leur nationalité.

Quel rôle la perte de nos repères culturels peut-elle jouer dans ce phénomène ?

Dimitri Casali : Cela remonte très profondément aux livres scolaires qui donnent effectivement une vision binaire oppresseurs/oppressés dans laquelle les Français sont toujours du mauvais côté. Ainsi les repères que sont notamment l’estime de soi disparaissent et chaque jour la fracture nationale se creuse sous le jeu des technocrates de l’Education nationale qui nous fait apprendre les rois maliens et plus Louis XIV en classe de 5ème. Il faut évoquer également les lois mémorielles de Christiane Taubira en 2001 qui apprennent à nos enfants qu’ils sont tous des esclavagistes et que la France est le seul pays à avoir eu des esclaves alors qu’elle a été la première à abolir l’esclavage et que des Français comme Pierre Savorgnan de Brazza, Faidherbe et Gallieni ont lutté contre l’esclavage notamment en Afrique où un Africain sur quatre était l’esclave d’un autre Africain. La disparition totale de la monarchie française a également joué dans ce manque de fierté nationale puisqu’elle  a supprimé l’amour que l’on peut avoir d’une figure tutélaire fixe. La position présidentielle n’a jamais réussi à prendre cette place et quand l’on voit comment la droite et la gauche arrivent à se ridiculiser, on comprend bien que les Français ne puissent pas s’y reconnaître.
David Gourion : De tout temps, les parents ont espéré pour leurs enfants une vie meilleure que la leur. Pour la première fois de notre histoire contemporraine, nous savons que nos enfants aurons globalement une vie plus difficile que la notre, qu'ils serons plus confrontés au chomage, au cout de la vie, aux problèmes environnementaux, etc. Et nos enfants le savent aussiCela génère cette forme de pragmatisme morne que l'on observe de plus en plus chez certains jeunes: désintérêt pour la chose politique, désintérêt pour la chose ethique (entendez religieuse et/ou philosophique), désintérêt pour les racines familiales, sociales et culturelles. Et c'est la vie numérique (internet, ipad, jeux vidéos) qui chez beaucoup, vient combler ce vide. Est-elle suffisante pour réenchanter le monde ?
Hugh Schofield : C’est effectivement le cas mais une fois encore c’est un problématique globale dont la seule différence est que la France le traite différemment des autres pays. Il suffit de regarder comment ont évolué nos villes depuis vingt ans, elles sont transformées et l’idée raciale de celles-ci par exemple a complètement changé. Londres par exemple joue la carte de la seule et unique ville complètement globalisée et cosmopolite du monde en prétendant que tout va bien et que l’intégration est parfaite. En réalité, ce n’est pas le cas et nous Anglais avons également des problème. La France quant à elle porte ce poids de l’idée issue de la Révolution française qui est de pouvoir donner des leçons alors qu’elles n’arrivent pas à se les appliquer.

La dépression se caractérise également par une perte de motivation, d’un affaiblissement de l’élan vital. L’incapacité du pays à retrouver la croissance en est-elle le signe ?

Dimitri Casali : Les Français n’ont plus envie de se battre pour la France et cela à tous les niveaux, aussi bien militairement qu’économiquement. Il y a eu un sondage récemment sur la Défense française qui montrait clairement que les jeunes Français ne veulent plus verser leur sang pour la patrie. Économiquement, c’est le même problème et un autre sondage a récemment montré que les jeunes Français veulent à 71% devenir fonctionnaire. Cette même jeunesse a récemment manifesté pour la retraite à soixante ans. Il est quand même aberrant de voir que des jeunes de moins de vingt ans manifestent pour leur retraite à soixante ans. Cela témoigne avec évidence de la perte de vitalité de notre jeunesse qui a été démotivée, assommée par la culpabilité des cours d’histoire. Elle a perdu le gout de l’effort, des valeurs républicaines et de la collectivité.
Hugh Schofield : D’une certaine manière, c’est évident puisqu’une économie est directement liée à la liberté d’entreprendre et à une confiance culturelle dans l'entrepreneuriat. Je crois malgré tout que cela finira par revenir car la France, et plus généralement l’Europe, a tout pour réussir dans le monde moderne. Il faut simplement que toute une génération recalibre sa façon de fonctionner et je crois que la suivante sera en bonne position pour revenir au premier plan de la scène économique. L’Europe continue a attiré pour sa liberté d’esprit et son initiative intellectuelle. Nous avons encore les atouts pour faire la différence mais il faut avoir le courage de résister en ces temps difficiles et faire changer notre économie pour garder les entrepreneurs. Ces derniers savent qu’il est dure de lancer des entreprises en France, les Français aussi le savent et cela participe à la dépression générale. J’ai toujours tendance à comparer avec la fin du 19ème siècle français ou tout se passait et s’inventait au même moment qu’aux Etats-Unis grâce à cette dynamique créative des Français, la bicyclette, l’automobile, le cinéma. A l’époque déjà, le monde entier venait en Europe pour sa liberté et il faut capitaliser là-dessus.

Comment la France peut-elle se soigner de ces maux ?

Dimitri Casali : Les Français doivent réapprendre à être fier et cela ne peut passer que par l’Ecole.
David Gourion : Justement, en rééchantant le monde !
Hugh Schofield : Il faut que la France croit à nouveau en elle et entre dans la prochaine forme d’économie avec moins de dépenses publiques et la libération du potentiel créatif des Français.

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