TOUT EST DIT

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mercredi 7 novembre 2012

Un virage et un pari

Un virage et un pari 


Jean-Marc Ayrault peut remercier Louis Gallois. L'encre à peine sèche, son rapport offre au Premier ministre l'occasion de rebondir à travers un plan qui place l'opposition face à son bilan. Et qui permet d'oublier certaines promesses électorales.
En qualifiant le plan compétitivité d'emblématique et en estimant les vingt milliards de crédit d'impôt plus efficaces que ses propres préconisations, ce grand patron délivre au gouvernement, qui en avait besoin, un brevet de crédibilité.
Les 35 mesures retenues, parmi lesquelles une baisse équivalant à 6 % du coût du travail, constituent en effet un arsenal ambitieux. Si ambitieux qu'il est analysé, selon le point de vue, comme un choc de compétitivité, un coup de bambou pour le consommateur ou un chèque en blanc aux entreprises.
Assez ambitieux donc, et habile. Sur le terrain politique, le « pacte » gouvernemental retire des arguments à la droite - elle avait trop vite prédit l'enterrement du rapport Gallois - quitte à contredire le candidat Hollande sur quatre points. Il reconnaît l'existence d'un gros problème de compétitivité. Il considère comme importante la question du coût du travail. Il juge indispensable de relever la TVA de plus de six milliards. Et il baisse la dépense publique de dix milliards.
Trop, trop peu, trop tard ?
Habile aussi sur le plan économique et social : il allège le coût du travail, sans toucher aux salaires ni au financement de la protection sociale, et soigne l'environnement des entreprises. Il instaure une fiscalité antidélocalisation, mais qui ne porte surtout pas le nom, tant décrié, de la TVA sociale de Nicolas Sarkozy. Il efface, sans le dire, une partie du fardeau fiscal infligé aux entreprises. Il fait payer le consommateur, moyennant une dose de justice fiscale. Il alourdit les taxes dans le bâtiment et la restauration - et donc la facture - mais il en corrige l'effet en allégeant le prix de la main-d'oeuvre.
Un modèle de perfection, le « pacte » Ayrault ? Pour en juger, il faudra répondre par l'affirmative à plusieurs questions.
S'il y a urgence, pourquoi attendre le budget 2014 ? Même si toutes les entreprises, bénéficiaires ou déficitaires, auront la possibilité de faire figurer le crédit d'impôt dans leur bilan 2013, ce crédit, jugé complexe et insuffisant, ne sera décaissé par le Trésor qu'un an après.
Qu'en feront les entreprises ? L'absence de conditions, malgré une plus grande transparence, n'empêchera pas de privilégier l'actionnaire, de licencier, voire de délocaliser. Le Premier ministre fait ainsi le pari de l'incitation et du civisme dont on ne mesurera qu'a posteriori les effets sur l'innovation, l'emploi et les prix.
Qu'en penseront les Français, sensibles à toute hausse de la TVA ? Si ce plan a sa cohérence, il est difficile de suivre un pilotage fiscal qui joue, un jour sur le frein, le lendemain sur l'accélérateur de la croissance.
Quelle majorité pour le voter ? Moins indulgente que le patronat, la droite promet un combat parlementaire acharné. Moins compréhensive que les syndicats réformistes, la gauche de la gauche rejettera un dispositif qui taille dans la dépense publique, d'ailleurs sans dire où, et qu'elle présente comme un cadeau aux patrons. Les optimistes y verront la preuve du meilleur équilibre possible.

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