TOUT EST DIT

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jeudi 1 novembre 2012

Les rites oubliés qui permettaient aux âmes des défunts de bien s’envoler

Il n’y a pas si longtemps, les Alsaciens prenaient grand soin de l’âme de leurs défunts : comme le rappelle Gérard Leser, il fallait, par des gestes rituels, s’assurer qu’elle quitte bien sa demeure terrestre pour gagner l’Au-delà.

Ces traditions ne sont pas très anciennes, mais semblent d’un autre âge. Elles s’apparentent aujourd’hui aux croyances et superstitions, mais n’étaient sans doute pas si futiles. Leur mérite premier était de ne pas négliger la mort : elles permettaient de la regarder en face, et donc de l’accepter. « Autrefois, une bonne mort était une mort préparée, rappelle le conteur, écrivain et folkloriste alsacien Gérard Leser. Alors qu’aujourd’hui, on semble préférer une mort instantanée… »
Avec la modernité, on a caché la mort. « L’Alsace est une des régions où l’on se rend le moins dans les chambres funéraires », assure Philippe Ogé, directeur régional de la société Pompes funèbres générales (PFG). Mais à l’inverse, il arrive encore ( « Une fois par an, à peu près ») que l’on demande à sa société d’organiser une veillée à domicile, comme c’était l’habitude jusqu’à la moitié du siècle précédent. Le défunt restait alors chez lui trois jours et trois nuits. D’un point de vue médical et psychologique, on acquérait ainsi la certitude que le mort l’était bien. Et, d’un point de vue spirituel, on s’assurait que son âme avait quitté son corps, car, poursuit Gérard Leser, « on était convaincu qu’elle lui restait attachée pendant trois jours… »
Une fois la mort constatée, elle était annoncée à la communauté villageoise par le biais des cloches. « Elles étaient de gravité différente selon qu’il s’agissait d’un homme, d’une femme ou d’un enfant. » Les membres de la famille pouvaient en informer aussi « les animaux de la ferme, les arbres ou les tonneaux de la cave… Car la mort est un désordre fondamental : si on ne le faisait pas, le vin pouvait tourner au vinaigre, ou les abeilles pouvaient mourir ou s’en aller… »
Ces dernières étaient perçues comme des messagers entre les deux mondes. Pour les associer au deuil, la ruche était recouverte d’un voile noir.
Dans la maison, plusieurs autres précautions étaient prises : « On ôtait l’alliance du mort, de peur qu’il emporte le conjoint avec lui. On arrêtait les horloges, on voilait les miroirs, on emplissait une cruche d’eau afin que l’âme puisse s’y baigner, et on ouvrait les fenêtres pour qu’elle puisse prendre son envol. C’étaient des rites de passage, pour que l’âme puisse quitter tranquillement la maison. »
Pour l’âme d’un défunt, il n’y a rien de pire qu’un entre-deux entre le monde terrestre et l’Au-delà. Pour la même raison, « on sortait le mort les pieds devant, car sinon il pourrait revenir », et on changeait parfois les meubles de place, afin qu’il soit perdu si l’âme persiste à demeurer dans les parages…
Quant au repas mortuaire, « dans certaines régions, il était très simple : schnaps, pain et gruyère ». Le schnaps était un revigorant bienvenu en ces circonstances. Et pendant la veillée de trois jours et de trois nuits, il fallait se relayer pour ne pas laisser une seule seconde le mort sans compagnie. On pouvait prier ou parler, « mais on ne devait absolument pas dire du mal du défunt ! Un conte évoque le retour d’un mort, venu assommer un neveu qui critiquait son héritage… »

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