TOUT EST DIT

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lundi 15 octobre 2012

Les "Pigeons", histoire d'un vaudeville en trois actes

Le 28 septembre, le jour de la présentation en Conseil des ministres du Projet de loi des finances 2013, La Tribune publiait la missive d'un entrepreneur dénonçant l'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Dans la foulée, les "Pigeons" naissaient sur Facebook, et sonnaient le début d'une bataille entre le gouvernement, l'opposition, les syndicats et les organisations patronales.
ACTE I : LA NAISSANCE D'UN MOUVEMENT
Pendant la présidentielle, François Hollande a promis d'aligner la fiscalité du capital sur celle du travail. D'après des rumeurs de presse, son gouvernement compte transformer l'essai le 28 septembre, jour de la présentation en Conseil des ministres du projet de loi de finances (PLF) pour 2013. Scandalisé par cette politique, Jean-David Chamboredon, patron du fonds des entrepreneurs Internet ISAI, nous adresse une tribune le même jour. A ses yeux, la mesure plomberait la croissance des PME :
Sa tribune fait l'effet d'une bombe. Les entrepreneurs sont, semble-t-il, nombreux à partager son opinion. Le week-end qui suit, les "Pigeons", "mouvement de défense des entrepreneurs français", naissent sur la Toile. Une page Facebook est créée dans la nuit de vendredi à samedi (totalisant à ce jour 67.276 "j'aime"), couplée d'un manifeste. Celui-ci fustige en particulier un dispositif du PLF 2013, visant à taxer jusqu'à 60% les plus-values de cessions d'entreprises. Un compte Tweeter voir également le jour : les #GEONPI font leur nid sur les réseaux sociaux, et appellent à manifester le dimanche 7 octobre à Paris.
Le 3 octobre, rebelote. Ils lancent un appel collectif dans nos colonnes. Dans cette missive, plusieurs "créateurs et patrons de PME", comme ils se définissent, donnent de la voix. "Nous ne nous considérons pas comme une caste de citoyens supérieurs, dont les revenus devraient bénéficier d'un traitement fiscal de faveur", tancent-ils :
Comme le décrypte La Tribune dans son édito le même jour : une jonction est alors en train de se faire entre deux types d'entrepreneurs. A savoir "de riches et moins riches patrons" du net, et les "pauvres" auto-entrepreneurs:
ACTE II : BUZZ ET NEGOCIATIONS
Grâce au catalyseur des réseaux sociaux, les médias s'emparent de la fronde des "Pigeons". Certes, ils ne sont pas franchement organisés, ils ne comptent pas parmi les négociateurs habituels que sont le Medef ou les syndicats. Mais l'initiative fait de sérieux remous. Et pour cause, dans l'opinion, le débat bat son plein. "Pigeons" et "anti-pigeons" se volent copieusement dans les plumes.
Dans une autre tribune, Jean-David Chamboredon constate ainsi le succès du mouvement sur les réseaux sociaux :
Conséquence, le 3 octobre, des ministres et des parlementaires s'engagent à discuter avec des organisations représentatives des problèmes soulevés par les "Pigeons". Le collectif prend acte, et décide d'annuler sa manifestation du 7 octobre :
Au lendemain, le 4 octobre, Pierre Moscovici, le ministre de l' Economie et Fleur Pellerin, la ministre de l'Economie numérique, reçoivent des jeunes entrepreneurs :
Et le même jour, le ministre de l'Economie assure que le gouvernement acceptait de "bouger" sur la taxe des plus-values de cession. Une semi-victoire pour les "Pigeons", qui demeurent pourtant méfiants :
Le gouvernement pensait peut être calmer le jeu en agissant de la sorte. Mais c'est tout le contraire qui va se produire. Pour les médias, les "Pigeons", aussi désorganisés soient-ils, ont réussi à parler au sommet de l'Etat. L'affaire s'internationalise, la presse étrangère couvre l'événement. Même le Wall Street Journal s'y colle. Pour le quotidien américain, le gouvernement français "s'est incliné sous la pression" :
Fort de ce succès, les « Pigeons » s'organisent. Et trouvent en Jean-David Chamboredon leur porte-parole. Le lundi 8 octobre, il officialise sa nouvelle casquette dans nos colonnes :
ACTE III : L'IMPASSE
Désormais, les "Pigeons" comptent bien jouer les arbitres. Ils pressent le gouvernement. Dans le même temps, les organisations patronales, trop heureuses de profiter de la rampe de lancement offerte par les "Pigeons", montent au créneau. Mardi 9 octobre, dans un appel collectif adressé au gouvernement au terme d'une réunion secrète, les présidents de douze associations patronales, dont le Medef, demandent au président Hollande de renoncer à son projet de nouvelle taxation des plus values :
Les négociations n'aboutissent pas et traînent en longueur. Les acteurs se braquent, d'autant que Bercy n'a pas franchement goûté à la tentative de récupération du mouvement des "Pigeons" par Laurence Parisot, la présidente du Medef :
Reste qu'en attendant, le succès des "Pigeons" fait des petits. Mercredi, les artisans de l'UPA décident de faire pression sur le gouvernement via une pétition, afin de le faire reculer sur l'augmentation des cotisations sociales des indépendants. Jeudi, les "Canaris", collectif de patrons nantais, ont également fait parler la poudre, manifestant leur hostilité à la taxation des cessions de jeunes entreprises. A l'heure du web social roi, d'autres escadrilles de "Pigeons" pourraient bien faire leur apparition dans le ciel de l'Hexagone. Et s'inviter, elles aussi, à la table des négociations.

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