TOUT EST DIT

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lundi 29 octobre 2012

Après les pigeons, les gros poissons

Après les pigeons, donc, les gros poissons,. En publiant un appel en forme de programme économique de redressement pour la France dans "le Journal du dimanche", les patrons des grandes entreprises sont sortis du bois protégé dans lequel ils préfèrent d'habitude évoluer. C'est en effet l'Afep (l'Association française des entreprises privées regroupant 98 grands groupes) qui a semble-t-il pris cette initiative. Un lobby puissant qui depuis sa création, il y a trente ans, par Ambroise Roux (le très influent président de ce qui était à l'époque la Compagnie générale d'électricité), préférait agir pour défendre ses intérêts, d'ailleurs très efficacement, dans la coulisse que sur les estrades.
Cet ultimatum, il faut bien le dire inédit, nous dit plusieurs choses. Sur le fond d'abord. Sans surprise, il estime que le niveau de la dépense publique est devenu insupportable (56% du PIB) et qu'il faut donc la réduire de 60 milliards sur cinq ans. Pas moins. Une réduction qui servira à financer pour moitié (l'autre moitié le serait par une hausse de la TVA) une deuxième exigence: 30 milliards de baisses des charges sur les salaires moyens (deux Smic et plus) en deux ans pour alléger le coût du travail. Le choix de privilégier les salaires moyens constitue donc une évolution sensible de la pensée patronale. Au nom du redressement de la compétitivité, beaucoup estiment aujourd'hui, dont de nombreux économistes, que c'est sur ce levier qu'il convient désormais d'agir. Visés : la moyenne et la grande industrie où le niveau de salaire est plus élevé que dans les services et qui, souffrant d'un déficit de rapport qualité/prix, sont mal armés face à la concurrence internationale. Problème : ce n'est pas un moyen, en tout cas à court terme, de lutter contre le chômage.
Habile, cet appel ne se contente pas de revendications « syndicales ». Il fait une part à la formation, offre même un satisfecit au gouvernement pour les contrats de génération et convoque même le dialogue social pour preuve de sa bonne volonté en soutenant la négociation en cours sur la sécurisation de l'emploi. Un petit passage convenu sur l'innovation, une invitation à exploiter « nos ressources nationales comme les gaz de schiste » et, attention, c'est un petit bijou de litote : « il faut rester pragmatique dans la mise en œuvre de la transition énergétique ». En clair, ne venez pas nous saboter le travail avec des normes ou une fiscalité trop exigeantes. Et de conclure, pour faire bonne figure, par un volet bonne gouvernance des entreprises qui prévoit le vote (consultatif seulement) des rémunérations de dirigeants en assemblée générale et la limitation à deux du nombre de postes d'administrateurs pour les dirigeants mandataires sociaux.
C'est donc un programme économique très politique. En empruntant une voie nouvelle pour se faire entendre, les grands patrons fragilisent un Medef qui n'avait déjà pas vu venir le coup des Pigeons. Ils signifient au gouvernement qu'en s'apprêtant à enterrer pour partie le rapport Gallois - dont le cousinage avec cet appel apparaît manifeste - , il prend un risque grave pour le rétablissement de la compétitivité. Ce pas de côté revendicatif, assumé par certains patrons que l'on ne peut soupçonner de radicalisme libéral puisqu'ils sont membres de l'Afep - constitue un événement beaucoup plus considérable même s'il n'a pas le même écho médiatique que la révolte des Pigeons dont les ressorts pouvaient apparaître très corporatistes.
Après avoir abandonné l'idée d'un choc de compétitivité au profit d'une « trajectoire » dont on devrait avoir les détails le 6 novembre prochain au lendemain de la remise du rapport Gallois, François Hollande se retrouve désormais pris en étau. Entre une sorte d'unanimité qui prend corps pour ce fameux choc et un impératif de soutien minimum à la croissance au moment où la montée du chômage peut transformer l'exigence sociale en une véritable urgence. Le nouveau président ,qui n'aurait pas détesté être celui du temps long, doit commencer à penser que cela va un peu vite.

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