Si la nation européenne existait, Mario Draghi, le président de
la Banque centrale européenne (BCE) en serait sans doute devenu le
premier héros. Mais la diversité européenne est telle qu'elle exclut
toute idée de panthéon commun. En déclarant « l'euro irréversible », en
décidant de racheter sans limites les dettes souveraines des pays les
plus touchés par la crise, il a rassuré les États, les marchés, et les
opinions !
En ces temps d'incertitudes économiques et d'hésitations politiques,
il est miraculeux d'entendre une parole forte et consensuelle à la fois.
L'Espagne et l'Italie, étranglées par des taux d'intérêt qui les
enfoncent dans la crise, retrouvent ainsi de l'air. Elles pourront avoir
accès au crédit à des taux raisonnables et ne verront pas le poids de
leur dette s'alourdir encore.
On est toujours, pourtant, au milieu du gué. En termes institutionnels autant qu'économiques. La BCE, rare instance fédérale qui prenne seule ses décisions, profite de sa capacité à décider rapidement. Elle peut ainsi rassurer les marchés en injectant des liquidités comme on oxygène le malade, mais elle n'a pas la capacité à mettre d'accord les États européens sur une stratégie économique commune.
Or, l'Europe ne pourra pas continuer à faire semblant d'exister, alors qu'elle n'est encore qu'une union d'États défendant trop souvent leurs intérêts nationaux immédiats, sans vision d'ensemble et de long terme. Il faudra bien orchestrer les politiques budgétaires, sociales et fiscales si l'on veut réduire, progressivement, les formidables écarts entre les performances économiques des États européens.
Pour bâtir une Europe de la coopération à peu près confiante entre les États, il faut sortir du schéma qui veut que l'Allemagne produise des voitures de luxe et la Grèce de l'huile d'olive. Il faut couper avec d'étranges habitudes, qui veulent que, grosso modo, les pays du Nord équilibrent leurs dépenses et leurs recettes, et que les pays du Sud dépensent plus qu'ils ne gagnent.
Sinon, la Grèce, l'Espagne, le Portugal continueront d'aligner les budgets en déficit, de cumuler les déséquilibres commerciaux, et de devoir en appeler à des créanciers. Leur seul réconfort sera de pouvoir emprunter aux meilleurs taux, grâce à la BCE et à son rachat illimité de dettes. Mais ce sera toujours de l'emprunt, et ce sera encore de la dette.
Il faut sortir du schéma qui veut que l'Allemagne produise des voitures de luxe et la Grèce de l'huile d'olive.
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