vendredi 7 septembre 2012
Discrimination : le mot qui tue
Prenant tout le monde de court, Jean-Marc Ayrault a annoncé à la
sortie du premier Conseil des ministres de la rentrée, le 22 août, que
le projet de loi visant à légaliser le « mariage » et l’adoption allait
être déposé dès la fin du mois d’octobre. Une contre-proposition, par
laquelle les Verts cherchent à s’imposer dans le débat en prenant à leur
tour les socialistes de court, a été déposée sur le bureau du Sénat le
27 août (voir notre numéro de mardi). L’histoire s’accélère. Il ne reste
au mieux qu’une cinquantaine de jours avant que la machinerie lourde du
projet gouvernemental, assuré – a priori – de la majorité absolue au Parlement, soit mise en mouvement.
La mobilisation contre le « mariage » ouvert aux couples de même
sexe, c’est ici et maintenant. Par tous les moyens. Tout ce qui ira
contre, tout ce qui voudra empêcher cette loi folle, sera bon à prendre
et à saluer.
Il faudra se méfier des mots. Le débat, tel qu’il doit se tenir, tel
qu’il faudra l’exiger afin que l’on puisse parler en toute vérité d’une
question que les gros médias, à la remorque de l’agitation mondiale en
faveur de la reconnaissance des unions des couples de même sexe, ont
réussi à confisquer, se jouera sur une notion clef : celle de la
discrimination.
Et c’est une notion pipée, faussée, dangereuse à manier.
La non-discrimination est aujourd’hui, au cœur de la « morale
laïque », une « valeur » qui ne se discute pas, qui s’est médiatiquement
imposée, qui est à ce point chargée d’émotion et de bons sentiments que
nul ou presque n’ose dire que la discrimination n’est pas toujours un
mal. Qu’elle peut être un bien, une nécessité, une prudence.
Avec le refus de la « discrimination à raison de l’orientation
sexuelle », aujourd’hui inscrite dans la loi française et aussi, de
manière plus agressive encore, dans la Charte européenne des droits
fondamentaux, un pas décisif a été accompli pour fausser et confisquer
le débat. Celui-ci exige de clarifier d’abord les termes. Je vois avec
inquiétude des initiatives et des déclarations contre le « mariage » gay
qui s’empressent d’emblée d’affirmer qu’il faut combattre toute
discrimination à l’égard des personnes en raison de son orientation
sexuelle. Non pas par mauvaise volonté : c’est une manière, bien
entendu, de dire que l’on ne veut pas de mal aux homosexuels que nous
respectons et que nous devons aimer en tant que personnes, et approcher
avec bienveillance, en voulant leur bien. Mais par une sorte
d’automatisme imposé par le langage ambiant : il a fait perdre le sens
des mots.
Qu’est-ce que la discrimination ? Littré l’appelait « la faculté de
discerner, de distinguer ». Et fait la citation d’un psychologue qui la
décrit comme « le fondement de notre intelligence ». Une définition
moderne, celle du Larousse, rend compte du glissement de sens actuel :
« Fait de distinguer et de traiter différemment (le plus souvent plus
mal), quelqu’un ou un groupe par rapport au reste de la collectivité ou
par rapport à une autre personne. »
Le fait de s’interdire toute « discrimination », supposée mauvaise
parce qu’elle traduit une différence de traitement, à l’égard des
homosexuels, c’est déjà accepter de débattre selon les termes imposés,
non par « les homosexuels », mais par le lobby qui veut ouvrir l’accès
au mariage aux couples de même sexe. C’est le mythe égalitariste. Il a
très bien fonctionné en Argentine, par exemple, où, contre la volonté
d’une population largement attachée au mariage naturel, traditionnel,
normal, le « mariage » gay a été imposé comme le « mariage égalitaire »,
accessible à tous au nom de la non-discrimination. C’est une logique de
plus en plus acceptée dans le domaine juridique. Une notion dangereuse
aux conséquences parfois insoupçonnées.
Peut-il être juste de discriminer à l’égard de personnes, de groupes
de personnes, d’une religion ? Bien sûr que oui ! Une religion qui
prône la mise à mort des apostats peut et doit être discutée ; une secte
qui repose sur l’extorsion de fonds et les abus sexuels mérite d’être
interdite ; le fait de réserver les postes de fonctionnaires ou de
militaires aux nationaux d’un pays est légitime ; interdire l’embauche
d’un pédophile condamné pour certains emplois est une mesure de
prudence ; refuser l’ordination aux femmes est un droit de l’Eglise
catholique ; Tant que cela durera, évidemment. Préférer ne pas engager
un homosexuel comme assistante maternelle est une liberté – mais à
condition de ne pas le dire ainsi, car cela tombe déjà sous le coup de
la loi sur la discrimination à l’embauche.
Une discrimination est toujours un choix, et ce choix peut être
injuste, méchant, arbitraire. Mais elle est une opération normale et
nécessaire de l’intelligence. La nouvelle loi « antiraciste » chilienne,
par exemple, moins extrémiste que la nôtre, pénalise les
« discriminations injustifiées ».
L’expérience de plusieurs pays plus avancés que la France sur le
chemin de l’égalitarisme forcené devrait nous inciter à réfléchir.
Au Royaume-Uni, un couple de chrétiens propriétaires d’une pension
de famille qui est aussi son domicile a été condamné pour avoir refusé
une chambre à un couple d’homosexuels. Aux Etats-Unis, des procédures
s’ouvrent contre des établissements louant des salles pour des mariages
qui les ont refusées pour des « mariages » gays. Au Brésil, la loi
antiraciste en cours de discussion veut punir de deux ans de prison
toute réaction négative à une manifestation d’affectivité d’un couple
homosexuel dans tout lieu « ouvert au public » (une église, c’est ouvert
au public). Dans les pays scandinaves, en Espagne, des procès ont été
intentés contre des prêtres ou des pasteurs qui ont condamné l’acte
homosexuel comme moralement mauvais. En France, en application de la
loi, il est possible d’être condamné si l’on refuse de louer un
appartement à un couple homosexuel en raison de son orientation
sexuelle.
Accepter le discours sur la discrimination, c’est se soumettre
d’emblée à la dictature du relativisme. C’est ouvrir la porte, demain, à
la persécution des religions qui ont un discours moral traditionnel sur
le comportement homosexuel.
C’est un danger qu’il ne faut pas minimiser.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire