TOUT EST DIT

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vendredi 7 septembre 2012

Le défi asiatique


En 1966, Jean-Jacques Servan-Schreiber utilisait l'Amérique pour réveiller l'Europe. Son célèbre essai Le défi américain aurait pu tout aussi bien s'intituler Le défi européen.
En 2012, voici Le défi asiatique. Derrière la Chine et l'Inde, ce continent joue, pour le monde occidental, le rôle que l'Amérique joua, hier, pour l'Europe. Il constitue un appel à l'effort et au renouveau. Ces dernières années, le monde occidental a vécu très au-dessus de ses moyens matériels, et très en dessous de ses moyens intellectuels, spirituels sinon éthiques. La crise qu'il traverse aujourd'hui lui donne l'occasion inespérée de se ressaisir, ne serait-ce que pour stopper la contagion, inévitable dans l'univers de la mondialisation, qui affecte les pays émergents.
L'Europe, en particulier, est devenue « l'homme malade de la planète ». Mais comme tout le monde occidental, elle possède ces anticorps institutionnels que sont la démocratie et l'état de droit. Elle peut donc se révéler plus résistante à la crise que ne le sont les pays émergents, plus vulnérables encore à la baisse de leurs taux de croissance que ne le sont des pays démocratiques face à l'absence même de croissance.
L'industrie du luxe, experte en matière de mondialisation et de gestions des risques, a bien compris cette évolution. Pendant plus de vingt ans, elle a fait le choix de l'Asie et des pays émergents en général. Aujourd'hui, pour ne pas « mettre tous ses oeufs dans le même panier », elle réinvestit dans le monde occidental et plus particulièrement en Europe. En pleine crise grecque, Louis Vuitton a ouvert une boutique à Mykonos.
Alors que la presse ne parle que de la chute de l'euro et de la fin du monde occidental, la réalité est infiniment plus complexe. Hier, l'Europe constituait pour les pays émergents un miroir reflétant leur réussite. Ils pouvaient y comparer leurs taux de croissance aux nôtres et se conforter dans leur sentiment de supériorité : la croissance était à « l'est », les dettes à « l'ouest ». Aujourd'hui, à l'inverse, ils s'inquiètent d'une crise européenne qui agit comme un révélateur et un accélérateur de leurs faiblesses structurelles : corruption, inégalités sociales...
Accepter le changement du monde, en comprendre les ressorts, s'ajuster à cette évolution : les défis auxquels le monde occidental est confronté sont redoutables. Mais avec un juste mélange de modestie, par rapport à l'autre, et d'ambition, par rapport à soi, ils peuvent être surmontés.
Les cartes de l'Amérique et de l'Europe sont loin d'être identiques. Elles représentent une réalité de plus en plus éclatée. Cette réalité inclut désormais sans doute, en termes d'émotions et de valeurs, un pays comme le Japon, de ce point de vue plus « occidental » qu'asiatique. Mais les cartes du monde occidental, et de l'Europe en particulier, sont bien réelles avec cette combinaison unique d'unité et de diversité, source de créativité.
« Les caisses sont vides, il est temps de se mettre à penser », disait, en 1922, le prix Nobel de chimie Sir Ernst Rutherford. Le temps de la pensée et celui de l'action commencent maintenant. C'est une question de volonté et d'intelligence politique. Il s'agit de concilier effort, justice et compétitivité. L'exercice est difficile, mais pas impossible. Il suppose de privilégier la pédagogie sur la démagogie.

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