TOUT EST DIT

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dimanche 12 août 2012

Le prisonnier

Il souffrait toujours, sans avoir pu y renoncer, toutes les jalousies que sans exception, sauf peut-être quand il avait été amoureux et que son désir s’était enchanté de l’idée qu’il avait mieux que le pouvoir, qu’il était moins bête que ceux qui y consacraient leur vie, il avait accumulées depuis le temps qu’il n’était plus premier ministre et qu’il ratait régulièrement, comme dans une de ces mauvaises saisons que l’on passe au bord de la mer, on voit revenir, à heures fixes, les nuages d’abord, puis le tonnerre et enfin la pluie, les occasions que le sort réservait à d’autres plus habiles ou simplement chanceux.
Quand on avait constitué le ministère sous les ordres de celui qu’il n’avait jamais ménagé, fût-ce au nom de ces précautions qui sont indispensables lorsque l’on fait carrière et qu’on ne sait jamais ce qui peut arriver, peut-être parce qu’il le méprisait, plus sûrement parce qu’il ne le prenait pas au sérieux, à l’exemple de son ancien maître François Mitterrand, qui disait souvent à Jacques Attali « elle ira loin, il gardera les enfants », en parlant du couple que formait Ségolène Royal et François Hollande, couple dont on ne pensait pas, comme lorsqu’on assiste à la naissance d’une portée de jeunes chiots et que celui qui somnole se révélera le plus féroce du lot, qu’il pût un jour surprendre deux fois, l’une de sa faute à elle, l’autre de sa faute à lui, il avait fait valoir son ralliement qui à vrai dire s’était produit de justesse et pour tout dire ric et rac. Et comme l’habitude est, de toutes les maladies humaines, celle qui n’a pas besoin d’un virus nouveau pour renaître et se développer sur le terreau fécond des prédispositions, il avait fait sa chattemite, caressant et griffant à la fois pour que l’on sût qu’il était prêt à inverser l’ordre des facteurs comme un général sur le champ de bataille envoie d’abord des émissaires avant de faire donner le canon. On dit que le silence est la vertu des forts. Mais il est une terrible faiblesse entre ceux qui se sont ignorés, parce qu’ils ne savent pas se parler. Ils auraient pu faire les premiers pas, saisir un prétexte, être conduits par une de ces amitiés qu’on croit désintéressées et qui ne sont que de l’entregent, ce dont, au demeurant, il y aurait à décider si l’entregent n’est pas la seule forme de l’amitié et si ce qui nous motive quand nous aidons un ami n’est pas que la manifestation, irrépressible et compulsive, du sentiment que nous avons de nos capacités. On se sert le premier en se dévouant aux autres. Mais au contraire, ils étaient restés vingt ans soigneusement côte à côte, d’abord parce qu’ils ne faisaient que se croiser, ainsi qu’un clubman qui se rend au cercle à six heures ne rencontrera pas un rival en assiduité et influence au comité qui ne prend ses quartiers qu’après la visite rituelle, ordonnée et purgative qu’il rend à sa maîtresse à cinq heures et demi, ensuite parce que personne n’avait voulu s’en mêler. Fabius était ainsi fait qu’il n’inspirait pas l’initiative. Aussi, redoutant que le mot qu’il avait eu, « vous n’imaginez pas Hollande président, non mais, on rêve », ne se dressât entre eux comme le mur que les Hébreux avaient levé autour des Tables de Jéhovah, il avait forcé la porte en utilisant ce principe qu’il valait mieux l’avoir dedans que dehors. Hélas, ç’avait été pour se retrouver enfermé de l’intérieur, quoiqu’il s’occupât des Affaires étrangères, puisque personne ne sollicitait son avis et que tenu à l’écart de ce qui se passait au Palais, il avançait, fût-ce dans les premiers du protocole gouvernemental, une lampe à la main qui n’éclairait personne.

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