TOUT EST DIT

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lundi 27 août 2012

La dangereuse temporisation du gouvernement français

Tétanisé par le risque de récession et par ses engagements européens, le nouvel exécutif français préfère se réfugier à l'ombre rassurante de son allié allemand. Mais les réalités pourraient le rattraper rapidement.
Qu'il était doux, le temps où François Hollande pouvait faire croire qu'il avait « arraché » à Berlin ce fameux « volet de croissance », pendant nécessaire du pacte budgétaire européen ! C'était voici moins de deux mois, lors du conseil européen de Bruxelles de la fin juin. La croissance étant relancée grâce aux 120 milliards d'euros annoncés par le conseil européen, rien ne pouvait plus empêcher la France d'approuver le pacte budgétaire européen et donc la règle d'or. C'était là un signe de cohérence : puisque l'on soutient la croissance, on est en mesure de réduire les déficits. Rien de plus logique ni de plus sain, en effet.
Pas de croissance
Seulement, il ne s'agissait là que de mots. Ces 120 milliards sont en réalité une goutte d'eau dans l'économie européenne et ils sont eux-mêmes si dilués entre les pays membres et les instruments utilisés que l'on peut être assuré que leur effet sera nul sur la croissance du vieux continent. La vérité, c'est qu'il va falloir faire sans croissance. Du reste, n'est-ce pas la raison pour laquelle le gouvernement français s'apprête à réviser à la baisse ses prévisions de croissance ?
Bon Dieu, aide moi, je suis pas dans la merde là ......
Faire passer la pilule du « pacte budgétaire »
Le « volet croissance » n'était donc qu'un leurre politique. Sa fonction était de simplement faire passer la pilule d'une défaite politique lourde de sens de François Hollande face à Angela Merkel. Face au nouvel exécutif français, Berlin est resté ferme : la chancelière a exigé le vote du pacte budgétaire - son grand œuvre européen - sans aucune modification. Elle a accordé, comme à son habitude, des concessions de forme. Ce leurre politique a évidemment fait long feu. Les députés de gauche qui, voici deux mois, on fait campagne contre « l'austérité à la Merkel » et pour « un équilibre entre croissance et réduction des déficits », se retrouvent contraints d'apporter leur vote à un texte signé par Nicolas Sarkozy le 2 mars 2012. Tel quel.
Alignement sur Berlin
Evidemment, on comprend leurs réticences. La réponse du gouvernement sera, a prévenu Jean-Marc Ayrault, celui de la fermeté et du rappel à l'ordre. La majorité devra adopter ce texte sans broncher. Car le nouvel exécutif français a clairement décidé de suivre la voie ouverte par son prédécesseur : placer ses pas dans ceux de l'Allemagne afin que le reflet de la confiance accordée à Berlin par les marchés continue de profiter à la France.
Pour s'en convaincre, il suffit d'observer le silence du gouvernement français durant le mois d'août. Pas un mot d'appui à la colère début août de Mario Monti. Rien sur l'intervention de la BCE. Paris a laissé la main à Angela Merkel qui a donné la semaine passée son feu vert à Mario Draghi. La France a été moins présente en août dans le débat européen que la Finlande ou les Pays-Bas. Aucun pays européen ne semble désormais mieux respecter l'hégémonie allemande en Europe. Voilà pourquoi les députés socialistes devront absolument adopter le texte du pacte budgétaire sans réticence.
Un pacte à 63,5 milliards d'euros ?

Ce pacte, que prévoit-il ? Essentiellement, la mise en place d'une limite au « déficit structurel » à 0,5 % du PIB en 2018. Fin 2011, selon les (généreuses) estimations de Bercy, le déficit structurel français s'élevait à 3,7 % du PIB. Si l'on estime (et là aussi on peut nous accuser d'un optimisme délirant) que la croissance moyenne sur cette période sera de 1 %, l'effort budgétaire total sur six ans sera de 63,5 milliard d'euros, soit 10,6 milliards d'euros de réduction du déficit structurel chaque année. Mais on sait que le « déficit structurel » n'est pas entièrement indépendant des évolutions conjoncturelles. Ainsi, en 2011, il a retrouvé son niveau de 2007, effaçant les années de crise. Les calculs d'économies à réaliser sont donc très incertains.
Second leurre
Evidemment, on peut répondre à cette contrainte supplémentaire par un autre leurre, celui du retour à 3 % des déficits publics en 2013, objectif toujours officiellement affiché par le gouvernement Ayrault. Dans ce cas, sans doute, le respect de la nouvelle règle d'or sera plus simple. Mais alors, il faudra bien que l'Elysée, Matignon et Bercy se décident à expliquer aux Français comment ils espèrent parvenir à ce niveau de déficit qui, dans le meilleur des cas, c'est-à-dire sans dégradation de la croissance, nécessite de trouver 40 milliards d'euros, soit en une année et pour un seul pays, un tiers du fameux « volet croissance » accordé à l'ensemble de l'économie européenne par le conseil européen. Il faudra sortir enfin du flou consistant un jour - comme mercredi matin Jean-Marc Ayrault - à « ne pas exclure» une hausse de la CSG, un autre - comme en juillet Pierre Moscovici - à l'exclure absolument. Et à être enfin capable de préciser ce que sera cette hausse et qui elle concernera.
Gagner du temps, mais pour quoi faire ?
Tout se passe donc comme si le gouvernement français cherchait surtout à gagner du temps. C'est pourquoi il a choisi de se rapprocher de Berlin. Et de repousser à plus tard les décisions importantes et celles qui fâchent. On tente de détourner l'attention du public par des hochets comme le plafond du livret A ou le prix des carburants. Sans doute une stratégie de temporisation sur le plan budgétaire pourrait être crédible si elle s'accompagnait d'une vraie réflexion sur la croissance française et les moyens de relancer ses moteurs qui sont tous à plat.
Mais les déclarations de Jean-Marc Ayrault mercredi matin, annonçant sa volonté de réduire le déficit commercial du pays par « l'accompagnement des PME » montre combien le chef du gouvernement est loin du but. C'est la nature de la production française qui est en cause, sa capacité à créer de la valeur ajoutée et à compenser par la qualité et l'innovation les handicaps des coûts de production.
La peur, mère de tous les risques
Pris entre deux feux, la croissance nulle et les déficits publics, et malgré ses promesses de "calendrier", le gouvernement français semble timoré et incapable d'agir réellement. Il préfère faire durer la situation, mais ne prend aucune mesure pour contenir les incendies. L'épilogue de cette triste affaire risque d'être une réaction de panique lorsque, dos au mur, Paris devra rendre des comptes sur ses engagements insensés de réduction des déficits. Alors, le gouvernement se lancera dans une austérité tous azimuts qui risque d'entraîner le pays dans une spirale récessionniste. L'exemple européen devrait pourtant lui être une leçon utile : à force de vouloir gagner du temps, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont mené l'Europe en deux ans au bord du gouffre.

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