Immédiatement le gouvernement et l'opposition se sont renvoyés la balle sur le sujet. Côté gouvernement, cette marque de confiance montrerait que la politique économique de François Holllande s'est rendue crédible auprès des investisseurs. Côté opposition, Valérie Pécresse s'est empressée de percevoir dans cette performance le résultat de la politique de Sarkozy. Mais les uns comme les autres semblent se réjouir de la nouvelle. Ils n'ont pas forcément raison. Voyons pourquoi.
D'abord, nombreux sont les économistes à insister sur le caractère très relatif de cette confiance accordée à la France par les marchés. Il s'agit de très court terme (trois et six mois), même si les obligations à dix ans bénéficient également de taux favorables (2,4% environ). L'économiste et ancien expert du MEDEF Jean-Luc Gréau considère qu'il y a «une dimension de pari» dans ces taux négatifs proposés à la France. Il n'hésite pas à rappeller qu'en 2006, juste avant la crise économique, «la Grèce et l'Irlande avaient obtenu sur les marchés des taux d'emprunt plus avantageux que l'Allemagne, preuve que les investisseurs ne sont pas infaillibles.»
Les investisseurs qui ont des liquidités à placer n'ont plus aucune confiance dans le système bancaire, pouvant théoriquement rapporter plus d'argent mais présentant trop de risques. C'est dans cette perspective que, mardi 10 juillet, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a parlé de «dysfonctionnement des marchés » : le secteur bancaire apparaît fermé aux investisseurs car trop instable. Ceux-ci préfèrent se réfugier vers les titres d'Etat. En quelque sorte, prêter à la France revient pour eux à choisir la sécurité pour leurs placements, comme s'ils louaient un coffre-fort...
Cette confiance dans la dette française doit également s'interpréter au regard de la très grande inquiétude suscitée par les pays du Sud, la Grèce, l'Espagne et l'Italie notamment.
Pour l'économiste Paul Jorion, l'un des rares commentateurs économiques à avoir anticipé la crise des subprimes américains de 2007, «ces taux d'emprunt sont certes une bonne nouvelle pour la France car ils vont faciliter l'objectif de retour à 4,5% de déficit public à la fin de l'année. Mais ils témoignent de l'état de dégradation de la zone euro. Les marchés viennent clairement de couper l'Europe en deux : ceux qui peuvent survivre avec l'euro et les autres. L'Espagne emprunte aujourd'hui à des taux avoisinant les 7% (sur 10 ans), c'est une situation impossible.» Et selon lui, si la France se retrouve dans le cercle des pays vertueux, c'est parce que François Hollande a «totalement capitulé face à l'Allemagne et s'est aligné sur la vision d'Angela Merkel et de son traité de discipline budgétaire. Avec Sarkozy, la France et l'Allemagne étaient unis à 80%, avec Hollande il y a fusion à 95%.» En visite à Londres, le Président Hollande semble confirmer cette analyse en prônant, devant le Premier ministre anglais Cameron, une Europe à plusieurs vitesses.
Un mécanisme pervers
En outre, cette confiance dans la dette qui place la France parmi les pays vertueux, ne doit pas occulter un autre problème, celui de la compétitivité et du déficit commercial, s'élevant environ à 70 milliards d'euros par an. Si les marchés sont myopes et n'ont pas regardé l'avenir au-delà des six mois pour les émissions d'obligations, les difficultés ne doivent pas être masquées, selon Jean-Luc Gréau : «Les recettes sont en baisse et l'emploi est de plus en plus fragilisé. D'ici l'automne, le pays risque d'entrer en récession, les chiffres de la production ont de grandes chances d'être très mauvais. La crise est loin d'être terminée et 2013 sera peut-être semblable à l'année 2008. Mais l'avenir économique est pour l'instant imprévisible...»
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