TOUT EST DIT

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mercredi 21 mars 2012

Une autre campagne 

L'actualité, surtout quand elle nous submerge d'émotion, peut changer une élection. Même s'il reste plus de six semaines d'ici au second tour, il est probable en tout cas souhaitable que le drame deToulouse modifie cette présidentielle jusque-là déplaisante.
Nécessaire pour encaisser le choc et partager le deuil, la fragile parenthèse politique décidée par plusieurs candidats ne doit pas devenir le moyen d'éluder les questions de fond. Pendant, c'est toujours trop tôt ; après, c'est déjà trop tard : le moment était mal choisi, mais François Bayrou a eu raison, lundi soir, dans son anti-discours sécuritaire de Grenoble, d'expliquer qu'à force d'entretenir, sur les estrades et sur Internet, les tensions qui minent la société, elles s'échappent en jets de violence.
Quand on s'attaque aux symboles de la République que sont l'armée et l'école, on est dans le terrorisme prémédité. Quand on sélectionne, pour les tuer, des musulmans, des juifs, des Français d'origine israélienne, maghrébine et antillaise, on est dans le racisme le plus incontestable. La folie, parfois invoquée pour dire l'innommable, ne saurait devenir une dispense commode de réfléchir aux causes du drame.
Va-t-il changer le ton de la campagne ? Les querelles politiciennes, espérons-le, vont paraître dérisoires. Les outrages, déplacés. Les mots, peut-être, vont reprendre leur sens et les vrais problèmes leur importance. Cette tragédie offre une sorte de prime à la modération. En revanche, elle pourrait compliquer l'emploi de certains arguments pour conquérir l'électorat le plus ancré à droite.
Va-t-il changer le fond du débat ? Faisons un voeu : que le drame toulousain ait ou non un lien immédiat avec le contexte politique c'est à l'enquête de l'établir les candidats se sentiront tenus de retenir le venin électoraliste.
Ce serait si réjouissant s'ils pouvaient ne plus s'affronter sur la viande halal, quinze jours durant, alors que la France étouffe sous sa dette. S'ils pouvaient éviter de faire croire qu'à travers des saillies sur l'Europe ou les civilisations, on va donner de la sécurité et du travail. S'ils savaient faire l'économie de débats identitaires mal posés comme réponse principale au sort des banlieues et au mal-logement.
Pour ces raisons, la campagne doit reprendre ses droits. Du reste, aucun candidat, surtout François Hollande, n'a envie de laisser Nicolas Sarkozy, redevenu plus président que candidat, dominer solennellement l'espace médiatique.
Reprendre, mais dignement, pas pour dire que tout est la faute de l'autre. Reprendre pour dire quelle Europe on veut. Quel effort fiscal et social partagé on accepte pour que chacun trouve sa place dans l'emploi. Quelle politique urbaine pour déghettoïser la ville et remettre l'État sur tout le territoire...
Moins d'accusation, plus de propositions ; moins d'invective, plus d'analyse ; moins de démagogie, plus de pédagogie : même s'il n'est pas complètement sûr que le drame de Toulouse soit le résultat direct de nos errements, on rêve -naïveté ?- qu'il serve de déclic à un sursaut républicain.

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