TOUT EST DIT

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mardi 20 mars 2012

Enseignements d'une campagne 

  La campagne présidentielle semble souvent manquer de fond. Trop souvent superficielle, politicienne. Elle n'en a pas moins le mérite de nous apprendre beaucoup sur notre société, ses peurs, ses attentes, ses difficultés, voire son refus d'aborder certaines questions. Par ce qu'elle dévoile, comme par ce qu'elle laisse de côté, elle constitue un moment important de notre vie collective.

Premier enseignement : les mots de chômage, de précarité, d'exclusion ou de relégation sociale ne sont pas des abstractions, des problèmes techniques que des experts économiques et des technocrates pourraient régler. Ils désignent des hommes et des femmes qui font ou refont partie du paysage politique. De ce point de vue, la campagne est une grande réussite. C'est ainsi, en particulier, qu'une figure a refait son apparition : celle des ouvriers.
Hier, le prolétariat était le sel de la terre, appelé, en se libérant de ses chaînes, à libérer l'humanité tout entière. Le mouvement ouvrier, depuis l'atelier ou l'usine, menait, avec ses syndicats, des luttes dont le sens pouvait irriguer toute la vie publique, politique, intellectuelle. Puis, désindustrialisation et délocalisations aidant, les ouvriers ont pratiquement disparu de notre imaginaire et des médias, sauf à se mobiliser sur un mode violent pour éviter des fermetures d'entreprise et des suppressions d'emplois. Les voilà qui réapparaissent, constituant un électorat que l'extrême droite tente de représenter - ce qui nous éloigne de l'époque où ils étaient supposés voter à gauche, et notamment pour le Parti communiste.
De façon plus générale, en rendant visibles des figures sociales jusque-là invisibles, la campagne actuelle nous donne une image de la société plus réelle que celle qui prédominait auparavant.

Simplification à outrance

Deuxième enseignement, diamétralement opposé : les enjeux culturels de la vie collective sont gommés, ou traités sur un mode singulièrement défensif. La campagne ne nous dit pas grand-chose des questions de diversité, des demandes de reconnaissance identitaire. Elle n'examine que sur le mode du scandale et de la simplification à outrance les questions de l'identité nationale, de la laïcité ou de l'islam. Les principaux candidats n'ont que le mot de « République » à la bouche, ce qui ne laisse guère d'espace pour réfléchir aux attentes culturelles des minorités, aux statistiques dites ethniques ou au multiculturalisme, mais aussi à l'environnement ou à l'écologie, qui sort sinistrée de la phase actuelle, et pas seulement du fait de la personnalité de sa candidate.
Disons-le d'un mot : dans le contexte général de crise financière et économique, la campagne permet de mieux connaître les enjeux et les problèmes sociaux du moment, en même temps qu'elle dramatise ou refoule les questions culturelles, pratiquement non traitées à gauche, et réduites, à droite et à l'extrême droite, à la défense de l'identité nationale, à la critique de l'immigration et à la hantise de l'islam.
Il faut souhaiter qu'immédiatement après l'élection présidentielle et les législatives qui s'ensuivront, les figures sociales, devenues un temps visibles, ne redeviennent pas invisibles, pour être alors oubliées, et que les questions culturelles, pour l'instant délaissées, bénéficient d'un réel traitement politique.

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