TOUT EST DIT

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mercredi 8 février 2012

Le révélateur allemand 

Le déficit accru des échanges extérieurs de la France en 2011 le confirme, hélas : c'est le film de la dernière décennie qui est mauvais, pas seulement l'image de l'année. Il traduit trois évolutions inquiétantes. L'émiettement continu de notre part du gâteau mondial, le recul persistant de notre pénétration commerciale au sein même de notre marché domestique européen, le délitement de nos rares disciplines d'excellence, automobile en tête. Avec au bout du (mé)compte la perte massive d'emplois industriels : 600 000 en dix ans. Impossible de se cacher derrière les habituels faux-fuyants : facture énergétique, force de l'euro, distorsions de concurrence mondiales. Avec le même environnement domestique, monétaire, énergétique, concurrentiel, l'Allemagne dégage 160 milliards d'excédents. Cherchez l'erreur. Le modèle allemand ne doit, certes, pas être surestimé. Tant il est vrai qu'il s'adosse, opportunément, à une délocalisation de proximité très « rentable » dans la zone d'influence historique d'Europe centrale : Slovaquie, Slovénie... Et qu'il fonctionne sur une flexibilité, une précarité et une modération salariale qui ne sont pas facilement exportables. Il reste que c'est un révélateur efficace de nos lacunes. Au-delà de la compétitivité des coûts, surtout manifeste dans l'agriculture, la réussite germanique est bâtie sur des piliers qui méritent un minimum d'attention. Elle s'appuie sur un effort de recherche-développement substantiel, porté prioritairement par les entreprises privées, à l'inverse du système français. Elle se focalise sur un choix forcené de la qualité et du haut de gamme, celui qui fait la différence entre BMW, Mercedes, Audi et tous les autres. Vous ajoutez un souci constant de présenter une offre globale, de coller à la demande réelle des marchés et non d'imposer son offre, de privilégier les pays émergents, d'assurer un service après-vente sans faille, de chasser en meute... Et vous n'aurez toujours pas fait le tour des avantages comparatifs germaniques si vous n'avez pas identifié ce moteur étonnant de prospérité économique que constitue une démocratie sociale en bon état de marche. Outre-Rhin, patrons et syndicats pratiquent un dialogue musclé mais productif. Ils savent dépasser les guerres de tranchée pour aboutir à des accords gagnants-gagnants dans la durée. Là aussi, cherchez l'erreur. Après une longue période de relative indifférence, nos politiques, présidentiables ou pas, ont décidé de prendre le taureau de la compétitivité par les cornes. C'est une bonne nouvelle, même si le plus dur reste à faire. Car il ne faut pas se leurrer. Il n'y a pas de ciment à prise rapide - financier ou fiscal - pour redresser la maison France à l'exportation. L'Allemagne, encore elle, a mis dix ans pour affûter sa compétitivité actuelle, au prix d'une diète salariale sans doute peu digeste pour les estomacs français. Le regain tricolore exigera des réformes dans la durée, peu compatibles avec la logique court-termiste du politique. Il implique aussi une révolution culturelle de nos élites, peu perceptible pour l'heure. L'entreprise France, c'est un peu comme une grande équipe de foot. Il y a les stars richement dotées et les autres. Tout est fait pour favoriser les grosses pointures, les champions nationaux, au détriment des jeunes talents, les PME prometteuses. Fiscalement, financièrement, réglementairement. Encore une fois, cherchez l'erreur.

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