TOUT EST DIT

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vendredi 16 décembre 2011

Bonne conscience judiciaire

« La justice est passée ». « La justice est passée ». « La justice est passée »… Psalmodié de gauche à droite et de droite à gauche pendant toute la journée d’hier, ce solde de tout compte a eu les accents d’une oraison funèbre pour enterrer Jacques Chirac. Une autoabsolution répétée en jetant quelques dernières pelletées de terre sur des pratiques « révolues ». Une très large majorité a même cru voir dans la condamnation de l’ancien président de la République une preuve de la vitalité d’une démocratie française capable d’infliger deux ans de prison avec sursis à l’ancien chef de l’État.

Au risque de jouer les Cassandre dans ce concert d’autosatisfaction apitoyée autant que larmoyante, cette première qualifiée, évidemment, d’« historique », n’a rien de glorieux. Le seul triomphe, c’est celui d’une bonne conscience judiciaire se contentant de peu.

La justice française peut-elle vraiment s’honorer d’avoir mis pas moins de vingt ans pour traiter ce dossier politique avant de finir laborieusement par infliger une peine humiliante à celui qui fut pendant douze ans le premier des Français ? Quel sens trouver à l’argumentation violente qui l’a motivée quand elle s’adresse à un vieil homme estimable de 79 ans, qui, malade, n’est plus, depuis bien longtemps, l’organisateur désinvolte des emplois fictifs de la mairie de Paris ?

Cet épilogue, ce n’est pas le symbole de l’indépendance du pouvoir judiciaire, mais la démonstration de son asservissement au rythme imposé par le pouvoir politique. Du statut pénal présidentiel aux manœuvres dilatoires pour entraver le cours de la justice, le clan Chirac — et le parquet lui-même — ont tout fait pour la ralentir. Si bien qu’elle apparaît aujourd’hui décalée, et que le droit qu’elle fait valoir a la cruauté de l’injustice.

L’exemplarité alors ? Mais de quelle exemplarité parle-t-on quand cet épisode a toutes les chances de renforcer la popularité de l’homme Chirac, qui n’est pas loin d’apparaître comme une victime. Quelle exemplarité quand, de façon moins spectaculaire que jadis, certes, tant de conseillers ministériels continuent de consacrer une partie du temps qu’ils devraient réserver exclusivement au service de l’État, aux intérêts politiques personnels de leurs champions, et de leur parti ? Quelle exemplarité quand le PS qui a mis si longtemps à dénoncer le scandale Guerini dans les Bouches-du-Rhône dit faire confiance à la justice de son pays pour dénouer les affaires de sa fédération du Nord-Pas-de-Calais ? Grand seigneur, il mise déjà sur… la lenteur inévitable des procédures.

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