TOUT EST DIT

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vendredi 9 décembre 2011

Adieu souveraineté chérie

Si elle est approuvée par les Vingt-Sept, l’union fiscale proposée par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy serait une nouvelle étape décisive vers le fédéralisme européen. Mais tout le monde est-il prêt à payer le prix : le renoncement de l’autonomie budgétaire des Etats ? 
Le souverainisme est en deuil en Europe. Et pour les prochains jours, se prépare le plus grand transfert de souveraineté qu’aient jamais organisé les vieilles nations européennes depuis les traités de Rome et de Maastricht.
Avec le premier, en 1957, les Etats avaient renoncé à leurs politiques douanières, posant ainsi les bases du marché unique.
Avec le second traité, en 1992, ils avaient accepté de renoncer à leur monnaie, symbole national tout aussi important jusqu’alors que les couleurs du drapeau, et à leurs politiques monétaires (qui fixent les taux d’intérêts et de change), posant ainsi les bases de l’actuelle crise de la dette.
Avec ce sommet, les vieux Etats devront renoncer à leurs politiques budgétaires, ce qui équivaut à renoncer à l’âme politique de l’Etat national.
Point de salut dans ce monde global pour les membres de la vieille Europe si chacun joue perso. Mais point de salut non plus pour les pays qui jouent au plus haut niveau et remportent tous les championnats, comme le Barça et le Real Madrid c'est-à-dire l’Allemagne et la France.
Il ne s’agit pas seulement de trouver notre place dans ce monde mais de survivre dans des conditions acceptables, sans mettre en péril le train de vie incroyable dont nous, les Européens, jouissons depuis trente ans.

Une union de stabilité budgétaire et d'austérité

L’orgueil national, les sièges au G20 ou au Conseil de sécurité, c’est à dire le poids, l’influence et la visibilité des Européens dans le monde, ne sont pas seuls en jeu, il s’agit avant tout de résoudre ces problématiques plus proches et plus concrètes que sont tout bonnement notre bien-être et nos modes de vie, qui ne peuvent être préservés que dans le cadre d’une UE qui fonctionne.
Ce transfert de souveraineté donnera lieu à une union fiscale, mais celle-ci sera imparfaite, puisqu’il s’agira d’une union de stabilité budgétaire et de mesures d’austérité et non d'une union de transferts, de solidarité et de croissance.
Du moins pas encore. La méthode utilisée ne sera pas non plus communautaire, avec un rôle accru pour la Commission, le Parlement et la Cour de justice de l'Union européenne, ces institutions qui représentent pour nous directement le fédéralisme et l’européisme.
La prise de décision sera intergouvernementale et n’incorporera pas les 27 membres. Certains parce qu’ils ne le veulent pas, comme le Royaume-Uni ; d’autres parce qu’ils sont encore indécis comme le Danemark, et enfin certains parce qu'ils n’arrivent pas encore à sauter le pas, même s'ils ont pris leur décision, à l'instar de la Pologne.

Des concepts allemands et une rhétorique française

Et ce sont les deux puissances européennes qui se sont le plus battues, même militairement à trois reprises, quand elles étaient encore des Etats souverains ambitieux et parfois expansionnistes, qui vont procéder à cette liquidation.
Personne d’autre ne peut le faire. Il est même probable que seuls ces deux pays soient en mesure de le faire. Et ces deux puissances vont ainsi jouer un rôle unique dans toute l’histoire de l’unité européenne, même si c’est au détriment de leur propre souveraineté. La France et l’Allemagne ont toujours été le moteur européen depuis la création de l’UE mais aujourd’hui plus qu’un moteur, ils en sont le véhicule.
A tel point que le projet qu’ils vont présenter à Bruxelles est conçu afin de fonctionner même si, cas extrême et improbable, seuls ces deux pays sont disposés à la mettre en marche. Il ne s’agira pas d’un directoire européen, mais plutôt d’une Europe franco-allemande, d’un fédéralisme dont les deux membres inviteront à les rejoindre ceux qui le désirent.
Et pour entrer dans les détails, cette apparente symétrie cache des concepts allemands et une rhétorique française, avec la discrétion de Merkel et la pompe et l’ostentation de Sarkozy.
Nous voilà donc revenu à l’étape qui précéda la création de la monnaie unique. L’euro va devenir une sorte de mark européen, tout comme auparavant toutes les monnaies européennes, franc y compris, étaient à la remorque du mark allemand dans le serpent monétaire.
Et l’Europe va se diviser en deux : d’un côté les pays de l’euro, et ceux qui n’y sont pas encore mais qui veulent y entrer un jour, et de l’autre les pays qui n’y sont pas et qui n’en veulent pas, comme avant l’adhésion du Royaume-Uni, avec la puissante Association européenne de libre-échange (AELE) créée pour contrebalancer le protectionnisme de la Communauté européenne.
En résumé nous aurons une Europe sans européisme ou un "fédéralisme sans fédéralistes". Mais toujours avec cet espoir si européen et sans cesse renouvelé qu’un jour la fonction finira par créer l’organe, c'est-à-dire cet européisme et ce fédéralisme politiques qui font aujourd’hui défaut.

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