jeudi 27 octobre 2011
L'Europe, de l'Allemagne à la... Chine
L'Europe, de l'Allemagne à la... Chine Au fil de sommets à répétition, le plus souvent sauvés in extremis, on avait fini par croire qu'une fois de plus l'Europe, le dos au mur d'une crise existentielle gravissime, allait s'en sortir à l'heure propice du journal télévisé. Comme d'habitude, au prix d'un habillage politique consensuel de façade. L'histoire retiendra peut-être que le 26 octobre 2011 aura marqué une rupture dans cette dramaturgie trop bien orchestrée, sous l'égide de l'Allemagne.
Plus que jamais maître de la partie cruciale qui se joue sur l'avenir de l'Europe, Angela Merkel ne veut plus, apparemment, se payer de mots, en rassurant au rabais avec des promesses floues et non gagées. Les marchés jugeront. Ce qui est sûr, et cela ne risque pas de leur échapper, c'est que l'Europe est de plus en plus sous la coupe peu suspecte de démagogie de l'Allemagne et de sa chancelière.
Elle impose son parler vrai : fini les déclarations lénifiantes ou artificiellement volontaristes. Elle impose son calendrier. Elle impose surtout sa politique - une potion de rigueur et de conservatisme - sur pratiquement tous les sujets vitaux : la recapitalisation des banques, le rôle autonome de la Banque centrale européenne, l'ampleur limitée du fonds européen de solidarité financière, l'effacement très contrôlé de dette grecque, la mise au pas sévère des mauvais élèves. N'en déplaise à Nicolas Sarkozy, l'Europe roule à l'heure allemande. Et tant pis pour ceux qui voulaient croire, en France, à l'alliance du volontarisme sarkozien et de la rigueur merkelienne.
Le poids de la tutelle allemande sur l'Europe ne doit pas occulter l'autre événement inédit et peut-être décisif du énième sommet de la dernière chance : l'apparition surprise de la Chine au guichet du fonds ad hoc de sauvetage collectif (FESF). Imaginer la Chine en sauveteur de la « vieille Europe », il y a seulement cinq ans, était impensable. La roue de l'histoire tourne aujourd'hui à une vitesse qui donne le tournis.
Sans préjuger du rôle précis de Pékin, cela démontre que le centre de gravité du monde est en train de basculer très vite vers l'Asie, marquant le déclin de l'Europe face aux « émergents » d'hier. Le problème, c'est que la Chine n'est pas seulement ce pays dont on condamne de plus en plus mollement la politique en matière de droits de l'homme. C'est un rouleau compresseur politique et économique qui s'embarrasse assez peu des règles du jeu de nos « vieilles » démocraties, profitant d'effets de masse et de vitesse jamais connus dans l'histoire.
Depuis qu'elle a rejoint le concert des grandes puissances, la Chine fait preuve d'un sens aigu de son intérêt national, qui n'a que peu à voir avec une philanthropie désintéressée. Personne ne peut croire qu'elle signerait un chèque en blanc à cette Europe affaiblie, cabossée de partout, écartelée entre les 17 de l'euro et les 27 de l'Union, les fédéralistes et les souverainistes, les vertueux et les laxistes, les volontaristes et les traîne-savates.
Reste la lancinante question : que penseront les marchés au terme du laborieux sommet de Bruxelles ? Ce sont eux qui ont posé le garrot de taux d'argent prohibitifs aux mauvais élèves de la zone euro. Ce sont eux qui peuvent l'appliquer, demain, à l'Italie ou le desserrer sur des critères qui ne sont pas toujours éclairés par l'intérêt général... Eux que les politiques avaient envisagé de mieux contrôler au coeur de la crise en 2009. Ils doivent amèrement le regretter. Car les marchés peuvent encore faire éclater la zone euro.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire