TOUT EST DIT

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mardi 6 septembre 2011

Amère justice

C’est une décision raisonnable. Une décision digne. La seule qui pouvait être prise. On s’étonne même qu’elle ne se soit pas imposée naturellement dans l’opinion tant elle semble dictée par le bon sens. Disons-le, la polémique sur la réalité de la maladie de Jacques Chirac a été franchement moche. Noël Mamère se serait évité une sortie indigne de lui s’il avait été le spectateur impuissant de la progression de ce mal implacable, de cette confiscation de la mémoire par paliers - souvent brutaux - qui font que l’être cher n’est plus tout à fait lui, même quand il a encore l’apparence de lui-même. Tous ceux qui ont eu un parent, un ami, un frère diminué par la dégénérescence qui affecte l’ancien président de la République, ont sans doute ressenti le même malaise, la même gêne et parfois le même dégoût devant l’acharnement de ceux qui voulaient absolument voir comparaître... l’ancien chef de l’État au nom de la justice.

Mais quel aurait été l’honneur d’une justice arrachant son témoignage à un homme devenu incapable de suivre un raisonnement construit? Quelle exemplarité aurait-on pu trouver à ces jeux du cirque obscènes avec un vieil homme dans l’arène, déjà ailleurs, et dans l’incapacité, de toute façon, de mesurer l’importance de son témoignage et de ses déclarations? Au mieux pouvait-on espérer quelques bribes de vérités arrachées à un comportement désormais totalement désinhibé. Mais quelle valeur ces confessions livrées en l’absence d’une totale lucidité auraient-elles eu? La France politique, si souvent complaisante avec les dérapages de ses élites, n’aurait fait que se donner l’illusion de racheter ses lâchetés.

Aucun regret donc. Mais beaucoup d’amertume. La justice a fait ce qu’il fallait faire mais elle n’y trouve évidemment pas son compte. On ne peut se satisfaire d’un procès où le principal justiciable n’aura pas à répondre lui-même aux questions sur les détournements jadis habituels et désinvoltes qu’il couvrait ou orchestrait au profit de son parti. Lui qui voulait - sincèrement - être présent aurait pu nous éclairer sur les mécanismes qui amènent le détenteur d’un pouvoir à user de ce pouvoir au-delà de ses limites sans avoir pour autant le sentiment de trahir sa fonction, et ses concitoyens. Au soir d’une vie, le détachement qu’il a montré avant même d’avoir quitté l’Élysée aurait probablement apporté une vérité - enfin - désintéressée.

Désormais par procuration, ce procès n’est pas pour autant fictif et ne saurait se résumer à une farce. On juge tout de même les agissements présumés coupables de celui qui fut le chef de l’État le plus puissant d’Europe. Même 25 ans après les faits, même trop tard, ce n’est pas rien... Au moins, l’impunité absolue n’existe plus. Une leçon pour l’avenir quand le financement de la vie politique - on le voit bien - n’a pas renoncé aux tentations des facilités illégales.

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