lundi 26 septembre 2011
Alerte rose pour le pouvoir
Pour la première fois depuis le début de Vè République, le Sénat change de couleur. La gauche y remporte une majorité absolue indiscutable, contredisant les pronostics trop confiants du président UMP sortant, Gérard Larcher. C'est un coup de semonce à sept mois de la présidentielle et un coup au moral pour le parti majoritaire. François Hollande et Martine Aubry, exceptionnellement présents hier soir sous les ors du Sénat, ne se sont pas trompés sur l'importance et le sens de cet événement.
À défaut de victoire absolue, la poussée de la gauche socialiste et écologiste était attendue pour des raisons assez évidentes. Ses victoires successives dans les élections locales auraient fait du maintien éternel à droite du Sénat une incongruité politique, soulignant « l'anomalie démocratique » dont parlait Lionel Jospin. L'évolution de la sociologie des grands électeurs, qui avait permis à la gauche de gagner 23 sièges il y a trois ans, laissait prévoir au moins une progression de l'opposition.
Les concurrences internes, plus nombreuses à droite qu'à gauche, n'ont pas arrangé les choses. Même la victoire de Pierre Charon, à Paris, est un désaveu pour Nicolas Sarkozy qui venait de remercier son conseiller. Le fait que le Morbihan, département installé à droite, envoie trois sénateurs de gauche au palais du Luxembourg est un échec spectaculaire pour le parti de Jean-François Copé.
Mais il faut surtout retenir les explications de fond. Chez les élus locaux aussi, l'antisarkozysme s'est durci au fil du temps. Souvent malmenés dans le discours présidentiel en début de quinquennat, ils vivent mal un regroupement intercommunal conduit à marche forcée, un éloignement de l'État de territoires dont les sénateurs sont les représentants et les défenseurs, une perte d'autonomie financière des collectivités.
Enfin, l'actualité immédiate a pu jouer en dernier lieu : l'affaire de Karachi qui mine le sommet de l'État, l'annonce qu'il faudrait encore repousser l'âge de la retraite... Sans compter que le Sénat, placé comme jamais sous les projecteurs implacables des médias, apparaît de plus en plus comme une institution, au-delà des efforts réalisés, qu'il faudrait réformer de fond en comble, dans son fonctionnement et dans son mode d'élection.
Cette alerte rose pour le pouvoir va avoir des conséquences immédiates. Elle rend incertaine la réforme des collectivités locales en 2014. Elle rend impossible la convocation du Congrès pour faire voter, à la majorité des trois cinquièmes, une réforme constitutionnelle intégrant la « règle d'or » anti-déficits. Elle va changer la vie parlementaire et fragiliser une UMP condamnée à se soumettre à l'arbitrage des centristes, plutôt renforcés par ce scrutin.
Parions que l'examen d'un budget 2012 d'austérité, qui démarre dans quelques semaines, va donner lieu à des affrontements d'autant plus rudes que la Haute Assemblée va devenir, pour la gauche, une tribune de plus dans la campagne.
Précisément, à sept mois de l'échéance, c'est un très mauvais signal pour la majorité, un grand coup au moral pour un parti présidentiel déjà en plein doute. Même si la succession de Gérard Larcher, samedi, peut encore réserver des surprises. Et même s'il ne suffit pas à la gauche - l'histoire l'a souvent montré - de remporter les élections intermédiaires pour gagner la présidentielle.
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