TOUT EST DIT

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mercredi 3 août 2011

Théâtre d’ombres


Six mois après l’éviction du président Moubarak, l’Egypte est un théâtre d’ombres. Chacun fait comme s’il était le plus représentatif et le plus proche des aspirations du peuple. Mais quelles aspirations ? L’union qu’on a vue en février sur la place Tahrir a volé en éclats. La boussole de la révolution hésite entre trois azimuts : maintien au pouvoir de l’armée, basculement au profit des Frères musulmans ou émergence d’une fragile coalition libérale qui, pour l’instant, a l’allure floue des nébuleuses.


Les dissensions entre les partis sont flagrantes et l’incertitude chauffe les esprits. Il y a de quoi. C’est tout le projet pour une nouvelle Egypte qui est en balance. Quel futur ? Quel usage faire de la déchéance du président Moubarak ? Pour l’instant, la montagne de la révolution a accouché d’une souris anxieuse.


La coupure avec l’ancien régime est tout sauf franche. Des proches de Moubarak sont en prison alors que d’autres sont toujours ministres. Le gouvernement n’a pas les coudées franches. Le maître du pays est le Conseil suprême des forces armées dirigé par le maréchal Hussein Tantaoui, lequel fut ministre de la défense de Moubarak pendant vingt ans.


Tout change pour que surtout rien ne change ? C’est la question de plus en plus exprimée par ceux qui ont voulu de toute leur âme la révolution de février et qui s’inquiètent des actuelles tendances conciliantes des Frères musulmans envers l’armée.


Le procès de l’ancien président Moubarak, de ses fils Gamal et Alaa et de huit dignitaires accusés de corruption n’est pas de nature à clarifier la situation. Il doit s’ouvrir aujourd’hui au Caire en dépit des cérémonies religieuses du ramadan, comme si la justice devait, toutes affaires cessantes, donner des gages aux plus impatients. Ce procès est censé rassurer ceux qui doutent de la volonté de réformer. Mais le tribunal peut aussi contribuer à noyer le poisson.


Le Conseil des forces armées veut-il vraiment aller jusqu’au verdict ? Moubarak, 83 ans, n’a plus été vu en public depuis février. Le degré de gravité de ses maladies est un mystère, ce qui autorise toutes les spéculations, à commencer par l’éventuelle défection de l’accusé à son procès. Les plus cyniques, à moins qu’ils ne soient les plus réalistes, imaginent que tout est mis en place pour gagner du temps, en tablant sur un décès qui interviendrait avant la fin des audiences…


La réponse est forcément à chercher du côté de l’état-major. Comme tous les anciens présidents de la République depuis l’éviction du roi Farouk en 1952, Moubarak est un ancien officier supérieur. Même s’il a été lâché par ses pairs en février, il est très probable qu’il a encore des protecteurs qui veulent lui éviter l’avanie d’être, après Saddam Hussein, le deuxième président arabe condamné par un tribunal.


À ce stade des péripéties, le vrai enjeu, pour les démocrates, est de faire en sorte qu’ils se forgent une place décisive sur l’échiquier politique entre ceux qui ne jurent que par l’armée et ceux qui rêvent d’une Egypte clairement islamique.

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