mardi 5 avril 2011
Le casse-tête nucléaire
Fukushima, la centrale maudite, fuit toujours. Et le pire peut encore advenir au Japon. Mais, quelle que soit l'ampleur finale du désastre, il interpelle tous les pays engagés dans le nucléaire civil ou qui s'apprêtaient à l'être.
L'Allemagne stoppe ses réacteurs les plus âgés. La Chine décrète un délai de réflexion. Les États-Unis hésitent. L'Inde suspend ses commandes à la France. L'Europe va revoir ses normes de sûreté. Quant au Japon, troisième pays nucléarisé au monde, troisième économie mondiale, il vacille.
En France, en pleine prébataille présidentielle, le débat est lancé. Le dogme national - c'est l'énergie la plus sûre, la plus propre et la moins chère - est ébranlé. André-Claude Lacoste, le patron de l'Autorité de sûreté nucléaire, qui n'est pas l'ennemi d'EDF, l'a rappelé : « On ne peut garantir qu'il n'y aura jamais d'accident grave en France. »
Une question se pose donc naturellement : le jeu nucléaire en vaut-il la chandelle ? Autrement dit, ne doit-on pas remettre en cause ces 58 réacteurs qui fournissent 75 % de l'électricité du pays, au prix le plus bas d'Europe, quoique le prix du kilowattheure, facturé au consommateur, soit déjà en surchauffe.
Nicolas Sarkozy, qui, comme tous ses prédécesseurs, tient à son sceptre nucléaire, militaire et civil, a répondu par avance. Et depuis le Japon afin de marquer les esprits. « La France a pris des engagements de réduction des gaz à effet de serre. Pour les remplir, il n'y a pas cent cinquante solutions, il y a le nucléaire. »
Le président de la République vise deux objectifs. Ne pas affaiblir les industriels français sur leur sol. Faire de la France le premier exportateur mondial de réacteurs, quand la vague émotionnelle de l'après-Fukushima sera dissipée. Illusion ?
Des conséquences planétaires
Après Tchernobyl, le nucléaire civil est entré en hibernation. Et, après Fukushima, il est menacé de glaciation. Mais rien n'est écrit, particulièrement dans notre pays, où l'opinion est circonspecte. Il est vrai qu'on ne lui a jamais demandé son avis.
Tous les partis de gouvernement ont indéfectiblement défendu l'option nucléaire, décidée la veille de la mort de Georges Pompidou, en réponse au premier choc pétrolier. L'électricien national, EDF, a, jusqu'à présent, maîtrisé ses centrales. Et son président, Henri Proglio, a beau jeu de rappeler que l'accident de Bhopàl en 1984, et ses milliers de morts, n'avait pas pour autant condamné l'industrie chimique tout entière.
Avec Fukushima, on entre toutefois dans une autre dimension, celle d'une catastrophe aux conséquences planétaires. La question de la sortie du nucléaire est donc parfaitement légitime.
Mais quel casse-tête, politique, économique, écologique. Nous allons assister à un affrontement central entre une UMP pronucléaire et une alliance socialistes et Verts, cette fois d'accord pour une sortie du « tout nucléaire » et une transition écologique.
En combien de temps ? Vingt, trente ou quarante ans. Le délai change singulièrement l'ambition initiale. Le programme des réacteurs de troisième génération sera-t-il stoppé ? Comment, budgétairement, préparer la relève tout en renforçant la sûreté des installations existantes ?
Le coût de l'énergie est le centre névralgique de ce débat. Le renchérissement des prix de l'électricité et du gaz frappe avant tout les classes populaires. Subir le risque du nucléaire, sans bénéficier de prix bas, est intenable. Et choisir la voie écologique, au détriment du social, est politiquement suicidaire.
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