Qui aurait pu l’imaginer il y a seulement quinze jours ? Hier, les Français ont regardé le ciel tout bleu avec une pointe d’inquiétude et cette nuit combien ont-ils été, avant de se coucher, à scruter le ciel étoilé en se demandant quel danger invisible il pouvait dissimuler ? Car on n’a parlé que de lui, le « nuage » radioactif venu du Japon, à la représentation presque enfantine dans notre imaginaire, et de son passage au-dessus de la France, en vérifiant encore et encore qu’il serait, de toute façon, parfaitement inoffensif.
On a calculé et recalculé les niveaux potentiels de radioactivité. Il paraît même que les compteurs Geiger sont introuvables. Rupture de stock… Sans compter les ventes de pastilles d’iode, qui ont explosé depuis quelques jours.
Une psychose évidemment grotesque, consternante de nombrilisme, mais qui suffit à montrer à quel point le flou qui entoure encore les risques de l’énergie nucléaire, et les approximations de l’information officielle sur les accidents de sa production, peuvent générer des peurs irrationnelles. Les mensonges de Tchernobyl — dont les retombées ont été près de 1 000 fois plus importantes que celles en provenance du Japon — ont laissé des traces dans les esprits européens. La confiance dans les messages rassurants reste fragile et relative.
Cette anxiété hexagonale met en évidence la dimension planétaire de la centrale de Fukushima. A plus de 10 000 kilomètres de l’Europe, elle reste perçue comme une menace presque voisine. Plus rien ne sera jamais comme avant ce 12 mars, où son explosion a réveillé les doutes sur une énergie qui ne déclenchait plus les passions depuis longtemps. Beaucoup moins en tout cas que les périls du réchauffement climatique… Il y aura un avant et un après. Voilà qu’Angela Merkel déclare, et répète, que « plus tôt on sortira (du nucléaire), mieux ce sera ». Et même le gouvernement de Silvio Berlusconi — un ultra du nucléaire s’il en est — instaure un moratoire d’un an dans le programme de construction des centrales qui doit marquer le retour de l’Italie dans le club atomique.
Jour après jour, le doute s’installe, y compris dans les propos des ministres français, nettement plus prudents qu’il y a… une semaine sur la pérennité du choix nucléaire. La contamination des légumes de la région d’Ibaraki, et de l’eau de Tokyo, impropre à la consommation pour les bébés, a surpris par leur intensité inattendue. Le monde mesure que les conséquences de l’accident de Fukushima sont bien plus rapides et plus incontrôlables que prévu. Quelque chose est en train de se rompre dans l’idée que l’humanité se faisait jusque-là d’une énergie qu’elle pensait maîtriser.
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