TOUT EST DIT

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mercredi 13 octobre 2010

Les lumières du modèle nordique

En Europe l'espoir existe. Il suffit d'aller vers le nord pour le rencontrer. Les excès du capitalisme financier, les impasses d'un modèle anglo-saxon basé sur un libéralisme absolu ont contribué à renforcer l'intérêt pour un « capitalisme à visage plus humain ». Ce capitalisme apparaît dans ses principes mêmes comme une provocation envers les fondements de l'économie libérale. Ne passe-t-il pas par des impôts élevés, des syndicats forts, un système de protection sociale généreux, un secteur public important ?…

Et pourtant les « Lumières du Nord » sont aujourd'hui l'objet de toutes les attentions. Des délégations chinoises se pressent à Oslo -et continueront, sans doute, à venir en dépit de l'affront de l'attribution du Nobel décerné au dissident chinois Liu Xiaobo, pour y étudier le modèle social norvégien. Peut-il contribuer à la stabilité de la Chine ? Le Forum économique mondial de Davos fera de l'Europe du Nord un des thèmes principaux de ses débats en janvier 2011.

Il n'y a certes pas « un » modèle nordique. Parler des « Lumières du Nord » c'est intégrer toutes les nuances de couleur qui peuvent exister entre la richesse pétrolière de la Norvège, la richesse industrielle de la Suède ou la puissance agricole du Danemark, sans oublier l'inventivité technologique de la Finlande, en dépit des épreuves que traverse Nokia aujourd'hui. Mais, au-delà de cette diversité, il y a deux mots qui reviennent constamment pour expliquer la réussite des modèles nordiques : confiance et égalité. Et ils vont de pair. Les écarts entre l'Etat et les citoyens, les patrons et les employés, les riches et les pauvres, les hommes et les femmes, les citoyens de souche et les nouveaux immigrants existent bien sûr, mais ils n'apparaissent pas infranchissables et ne créent pas un désespoir social ou un sentiment de révolte lié à l'injustice.

La tradition du consensus social -imposée dans les années 1930 en Norvège et en Suède au sortir d'une décennie de conflits sociaux très durs -s'est révélée être, comme le système dans son ensemble, le plus économiquement raisonnable. Si les Chinois le découvrent aujourd'hui après bien d'autres, ce n'est pas, bien sûr, parce qu'ils veulent l'importer tel quel chez eux, mais parce qu'ils y voient comme l'équivalent d'un « air bag », d'un coussin de sécurité. Car le raisonnement des élites au pouvoir en Chine est le suivant : si les Chinois se sentent davantage « protégés » par un système d'assurance à la scandinave, ils consommeront davantage et accepteront de s'endetter. Le développement du marché intérieur, clef de la poursuite de la croissance de la Chine, passe par la confiance individuelle des Chinois dans leur avenir personnel.

Si les Chinois s'intéressent à la Norvège, ses voisins européens, à l'Ouest, à l'Est comme au Sud, ne devraient-ils pas en faire autant ?

Avec un taux de chômage à 3,5 %, une représentation des femmes de plus de 40 % dans les conseils d'administration des entreprises, des jeunes filles d'origine somalienne dont les résultats scolaires sont souvent supérieurs à ceux des jeunes filles « norvégiennes », la Norvège a de quoi faire rêver des pays où la confrontation sociale est la norme, où la représentation des femmes demeure scandaleusement basse et où l'éducation ne joue pas pour l'intégration des immigrants le rôle « d'ascenseur social » qui devrait être le sien.

Certes le pays des fjords a une histoire, une géographie et désormais une richesse bien particulière. Indépendant depuis 1905, après quatre siècles d'appartenance au Danemark et un siècle de souveraineté suédoise, riche depuis 1969 avec la découverte d'importants gisements pétroliers, la Norvège est confiante et heureuse. Elle ne craint qu'un excès de confort, qui pourrait amoindrir sa nature rude, forgée par la dureté de ses hivers.

Et pourtant le message qui nous vient du Nord est, à l'heure de la mondialisation, d'une grande actualité et d'une grande modernité pour les sociétés démocratiques confrontées au succès indéniable du capitalisme chinois. Ce message est simple. « Trop d'inégalité nuit à la liberté. Trop d'individualisme sape à terme les fondements mêmes de la démocratie. »

Nous ne pouvons plus dire, comme nous le faisions hier, « le modèle scandinave est excellent, mais il n'est pas pour nous ». Nous devons, comme le font les Chinois, nous en inspirer si nous voulons rester des sociétés démocratiques équilibrées, responsables et efficaces.

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