TOUT EST DIT

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mercredi 13 octobre 2010

Boulevard vers l'inconnu


La rue ne gouverne pas, mais elle conseille. Un pouvoir ne peut trop longtemps rester sourd à ses messages sans risquer d'être réveillé en sursaut, un jour ou l'autre, par un impérieux cri de colère. Faudra-t-il encore une journée comme celle d'hier pour que le gouvernement se décide à intégrer le mécontentement populaire dans son équation politique sur les retraites ?
Il a déjà perdu des points en accumulant deux erreurs successives : miser sur l'usure de la mobilisation et croire que sa réforme pouvait être isolée de tous les autres malaises qui déstabilisent la société française. En laissant pourrir le terrain de l'agitation sociale, comme s'il était quantité négligeable, il a pollué d'autres univers fragiles.
La condescendante indifférence de l'équipe Fillon à l'égard des manifestations a stimulé une jeunesse dont l'exécutif avait sous-estimé la lucidité et la capacité d'indignation. Ce n'est pas pour partir pantoufler à la retraite à 60 et 65 ans que les jeunes ont défilé. Ce qu'ils ont voulu, c'est montrer qu'ils existent, et qu'ils ne sont pas dupes de l'absurdité de la situation : leur promettre qu'ils travailleront plus et plus longtemps quand eux ont bien conscience que personne ne les attend sur le marché du travail, cela revient à se payer leur tête. Surtout quand, depuis le confort ouaté d'un palais de la République, le septuagénaire conseiller aux affaires sociales du président leur jure, sûr que c'est pour leur bien...
C'était la leçon de trop. Leur révolte, naissante certes, est une réponse à un pays qui depuis trente ans leur a fait un bras d'honneur en sacrifiant (ou, au mieux, en négligeant) délibérément l'emploi des juniors. Leur anxiété latente a fini par se greffer sur la critique d'une politique qui prétend un peu trop bruyamment servir leurs intérêts. Eux finissent par être lassés qu'on parle, et calcule, en leur nom.
La gauche n'est pas en reste. Quand une Ségolène Royal récupère hypocritement leur énergie au 20 heures, et les appelle à continuer le mouvement, son numéro peine à masquer la lâcheté d'un PS qui les laisse monter en première ligne sans préciser sa stratégie. Laisser croire qu'une autre réforme des retraites, dont les contours ne sont jamais vraiment précisés, pourrait être indolore ne fait qu'entretenir une illusion régressive.
Noyé dans l'ivresse éphémère de la rue, le cumul des démagogies d'une classe politique incapable d'avouer qu'elle n'a de vision ni pour les jeunes, ni pour les seniors ouvre un boulevard vers l'inconnu.


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