TOUT EST DIT

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samedi 17 juillet 2010

« L'impardonnable défaite » (1)

C'est un livre accusateur, c'est un livre passionnant, c'est un livre plein d'enseignements : comment l'un des plus grands pays du monde a-t-il pu s'effondrer ainsi en quelques semaines du printemps et de l'été 1940 ? Claude Quétel, ancien directeur scientifique du Mémorial de Caen, s'est efforcé d'apporter la réponse.

À ses yeux, « l'étrange défaite », comme elle fut aussi appelée, plonge ses racines dans les vingt années qui ont précédé. D'abord le système politique : un hyper-parlementarisme s'autoparalysait. C'était la valse des gouvernements, élaborant des politiques à courte vue. Et puis la France voulait souffler après le terrible effort et les pertes de 1914-1918. On était victorieux et l'on voulait jouir de la victoire. On voulait penser qu'un tel drame ne reviendrait plus. La guerre qui venait de se terminer était la dernière que nous ferions, « la der des der ».

Comme l'écrit l'auteur, « les Français étaient malades de la paix ». La Société des nations (SDN) était vue comme une sorte d'assurance contre la guerre. Malheureusement, elle ne fonctionnait pas et manifestait de plus en plus son impuissance.

Personne ne voyait ou ne voulait voir le danger qui montait à l'Est. Cependant, enfreignant les clauses du traité de Versailles, l'Allemagne reconstruisait secrètement son potentiel d'armement. En Russie, dans des contrées lointaines, isolées, aimablement ouvertes par le gouvernement des Soviets, elle expérimentait de nouveau x matériels, élaborait des tactiques novatrices. C'est ce qui permit à Hitler de reconstituer une armée en un temps record et d'autant plus moderne qu'il lui avait fallu repartir de zéro.

1940 : leçon d'humilité

Au moment où les Allemands s'exerçaient aux communications radios, adoptaient le transport aérien de commandos parachutistes, le haut commandement français s'occupait d'accroître sa cavalerie et se confiait aux pigeons voyageurs pour assurer les liaisons. Un colonel de Gaulle faisait figure d'illuminé. Il était sorti de la guerre des tranchées. Il voyait la guerre de mouvement à laquelle le haut commandement français préférait l'enfouissement statique de l'armée.

Et puis les évolutions politiques, le jeu des alliances contraignirent la France à entrer dans le conflit, une déclaration de guerre faite le 3 septembre 1939, à regret. Si bien que notre pays ne va pas saisir l'occasion qui se présente à lui de se lancer dans une offensive puissante pendant que l'armée allemande est occupée à l'Est, à vaincre la Pologne.

Sur tout le front allemand de l'Ouest, face à la France, il n'y avait alors pas un seul char allemand. En outre, le commandement allemand n'avait des munitions que pour trois jours de combat et aucune réserve prête à entrer dans la lutte. Et nous laissâmes la Pologne se faire broyer dans l'étau allemand et soviétique...

On voit à quelles erreurs stratégiques nous conduisirent les militaires et les politiques. La suite allait de soi, mais on ne le sut que bien plus tard et, malgré des combats héroïques, livrés dans des conditions difficiles, ce fut ce que Claude Quétel appelle l'incroyable, l'inéluctable, l'impardonnable défaite. « Ce qui nous intéresse, dans cette étude, conclut-il, ce sont les divers visages d'une France si insouciante, si contente d'elle à son ordinaire, mais si désemparée à l'heure des tempêtes qu'on peut douter qu'elle ait fondamentalement changé. Le désastre de 1940 vaut, soixante-dix ans plus tard, leçon d'humilité. »



(1) L'impardonnable défaite, 1918-1940, de Claude Quétel, éditions J.-C. Lattès.
François Régis Hutin

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