Dans son derneir essai, Jean-Louis Servan-Schreiber instruit le procès d'une société atteinte par le "court-termisme". Une maladie qui frappe la politique, la finance, et chacun d'entre nous.
Un SMS arrive sur l’iPhone de Jean-Louis Servan-Schreiber. Le journaliste interrompt l’interview pour y répondre. "C’est l’époque. Il y a toujours quelque chose de nouveau à gérer." Textos intempestifs, coups de fil incessants, rafales d’e-mails… Dans son dernier essai, Trop Vite! Pourquoi nous sommes prisonniers du court terme (Albin Michel), l’homme de presse et fondateur de Psychologies Magazine (groupe Lagardère, propriétaire du JDD), dénonce justement les ravages du manque de temps. Ou comment le progrès technique, loin de nous libérer, nous emprisonne dans ses fers virtuels.
"La charge de ce que nous avons à vivre est tellement forte en accélération, le présent nous absorbe tellement que nous n’avons plus la capacité de réfléchir au-delà de la journée, de la semaine", explique-t-il. Le livre publié cette semaine est l’aboutissement d’un questionnement quasi obsessionnel entamé en 1983 avec L’Art du temps et poursuivi en 2000 avec Le Nouvel Art du temps. "La question du temps est pour moi la seule qui compte. C’est la matière première de la vie. Tant que l’on n’a pas commencé à traiter le temps comme ce qu’il est, fugace, précieux, irremplaçable, on est à la dérive du temps", souligne ce lecteur assidu de Montaigne. Au fil d’une série d’entretiens avec des intellectuels, des chefs d’entreprise, des hommes politiques, Jean-Louis Servan-Schreiber, 72 ans, a trouvé la confirmation que le malaise ressenti par tous entraînait une faillite collective: "Au-delà du stress, le plus grave, c’est la perte de réflexion et de perspective que l’accélération entraîne. Ceux qui décident de ce qui va affecter nos vies semblent rebondir de crise en crise."
Le passé rétrécit, le futur se raccourcit
Si le constat n’est pas neuf, la lecture de la crise actuelle sous l’angle unique du manque de temps se révèle stimulante. L’auteur montre comment cette "pandémie de court-termisme" est à l’œuvre dans l’économie et la finance, mais aussi dans la vie privée et la politique: "Notre passé semble avoir rétréci, en même temps que notre futur se raccourcit." Le chapitre consacré à la politique s’ouvre sur une collision temporelle. Mars 2009, Nicolas Sarkozy se rend en voyage en Afrique. Le journaliste moque ce Président pressé dont la frénésie fait écho à la nôtre: "Six heures à Kinshasa, six heures à Brazzaville, six heures à Niamey. Trois pays en trente-six heures chrono! Sur un continent où le temps s’appréhende plus lentement, comment ont réagi ses homologues? Se sont-ils sentis honorés ou traités par-dessus la jambe? Ce jeune Président, élu pour un mandat raccourci à cinq ans, veut imprimer sa marque à la politique par la vitesse." L’impopularité actuelle de Nicolas Sarkozy signe peut-être la faillite de cette tendance "speed politique" brocardée par JLSS: "Certains sujets peuvent se traiter vite, d’autres non. Il faut varier les temps."
L’autre intérêt de l’essai est d’offrir de nombreuses pistes au lecteur. Comme l’atteste la bibliographie fournie, l’auteur a puisé aux meilleures sources théoriques pour alimenter sa réflexion. Il a notamment lu l’ouvrage que consacre Hartmut Rosa à la société de l’accélération*. Comme le philosophe et sociologue allemand, Servan-Schreiber s’inquiète de la désynchronisation entre la folle vitesse de notre vie publique et le temps nécessaire à la décision politique. "Les véritables processus politiques permettant l’articulation et la synthèse des intérêts et de la délibération démocratique deviennent de plus en plus difficiles", écrit Hartmut Rosa. Peut-on encore ralentir? JLSS le souhaite mais ne propose aucune solution. "Je ne suis qu’un simple journaliste", conclut-il. Aux politiques d’apprendre à conjuguer le futur.
* Accélération, une critique sociale du temps, La découverte.
dimanche 16 mai 2010
Tout va beaucoup trop vite
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1 commentaires:
c'est peut être lui qui devient tout simplement trop lent
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