TOUT EST DIT

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samedi 29 mai 2010

Les parlementaires réussiront-ils à sauver leurs retraites ?

Députés et sénateurs, qui voteront à l'automne la réforme des retraites préparée par Éric Woerth, auront bien du mal à préserver leur propre système de retraite. Un régime qui est sans doute le plus spécial des régimes spéciaux, parce qu'il est très avantageux.
Interrogé voici quelques semaines, Éric Woerth a convenu qu'« on ne pouvait pas demander un effort aux Français sans demander un effort aux parlementaires ». Louable intention, si ce n'est que le gouvernement n'a aucune possibilité de leur imposer une réforme de leur propre retraite. En vertu du principe de séparation des pouvoirs, les élus du peuple décident comme bon leur semble de leur régime. Mais qu'on se rassure : Bernard Accoyer, le président de l'Assemblée, a compris le message : « Notre régime doit s'adapter. Tous les Français vont faire des efforts. Les députés, comme ils l'ont déjà fait, vont en faire », a-t-il promis sur Canal Plus.

Sacrifices

En 2003, poussés par les circonstances, les parlementaires ont déjà fait des sacrifices. Ils ont reculé l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans, contre respectivement 55 ans pour les députés, et 53 ans pour les sénateurs auparavant, pour s'aligner sur les fonctionnaires. La durée de cotisation est également passée progressivement à quarante et un ans, pour disposer d'une retraite à taux plein. Autre réforme déjà consentie par les parlementaires : à partir de 2012, un fonctionnaire élu au Parlement ne pourra plus cotiser à la fois pour sa pension d'élu et d'agent de l'État, ce qui permettait auparavant de cumuler deux retraites à taux plein (voir article sur « Les retraités gâtés »). Les députés issus du privé devront, eux, prendre l'engagement écrit auprès du bureau de l'Assemblée de ne plus cotiser à une caisse de retraite professionnelle durant leur mandat.

Rendement

Mais, malgré ces louables efforts pour se mettre au diapason de leurs concitoyens, les parlementaires disposent toujours d'un système de retraite très particulier et très favorable. Afin de contrebalancer le « risque électoral » - par définition, un élu n'est jamais certain d'être réélu - les députés peuvent cotiser double (au taux de 16,6 %) les quinze premières années de leur mandat. Ce qui représente actuellement 1.172 euros par mois, soit 21 % de leur indemnité parlementaire de base. Au delà de ces trois mandats, ils cotisent au rythme d'une annuité et demi par an durant cinq ans, puis normalement au-delà. Si bien qu'ayant été élu durant un seul mandat, un député peut percevoir une pension de 1.550 euros. Pas mirobolant, mais c'est le niveau moyen de la retraite d'un salarié du privé après quarante ans de cotisation...

En revanche, un parlementaire ayant cotisé au maximum peut partir avec une pension de 6.000 euros. En d'autres termes, ce même parlementaire touchera six fois plus qu'il n'a cotisé durant toute son activité ! Quel autre régime procure un tel rendement ? Dans la pratique, pourtant, la pension moyenne d'un député est aujourd'hui de 2.700 euros, et celle d'un sénateur est de 4.400 euros...

Subventions

La caisse de retraite des députés, créée en 1904, verse chaque année près de 66 millions d'euros de pensions aux anciens élus du Palais-Bourbon, l'équivalent de 13 % du budget global de l'Assemblée. Mais les cotisations ne représentent que 23 millions, dont les deux tiers sont acquittés par l'Assemblée elle-même en tant qu'employeur. Pour équilibrer le régime, l'Assemblée verse donc en plus une subvention de 42 millions. Le budget de l'Assemblée étant financé par celui de l'État, c'est donc le contribuable qui finance au bout du compte l'essentiel de la retraite des députés.

Un zeste de capitalisation

La situation du Sénat est un peu différente. Depuis 1905, la Haute Assemblée dispose pour ses élus d'une caisse autonome de retraite dont les comptes sont... équilibrés. C'est suffisamment rare pour le souligner. Pour verser annuellement 26 millions d'euros de pensions, la caisse ne peut pourtant compter que sur 3,5 millions de cotisations des sénateurs en activité, et 6,5 millions de cotisations patronales versées par le Sénat. D'où sortent alors les 15 millions d'euros restants ? De produits financiers provenant du portefeuille de la caisse, même si ce portefeuille s'est déprécié de 100.000 euros en 2009 en raison de la crise. Car à la différence de celui des députés, le régime de retraite des sénateurs mélange répartition et capitalisation. Jusqu'à présent, les revenus des placements de la caisse ont très largement compensé le faible taux de couverture des pensions par les cotisations (40 %). Ce qui permet à Gérard Larcher, le président du Sénat, de dire que « la retraite des sénateurs coûte 3,7 fois moins cher à l'État que celle des fonctionnaires ». Mais aussi de refuser que les réserves financières de la caisse - 581 millions d'euros - soient ponctionnées pour venir abonder le budget de l'État, comme l'a accepté l'Assemblée. Or, les sénateurs oublient un peu vite que les cotisations patronales acquittées par le Sénat sont en fait financées par les contribuables...

Patrick Coquidé

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