TOUT EST DIT

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dimanche 11 avril 2010

Tout le poids de l'Histoire


L'heure est au recueillement en Pologne. A la recomposition de l'État et du commandement de l'armée, aussi. Ce sera sans problème. La Pologne est une démocratie aux institutions solides. Le Maréchal de la Diète, Bronislaw Komorowski, assure l'intérim de la présidence en attendant d'être confortablement élu dans les trois mois : il était de toute façon le candidat du PO, le parti du Premier ministre Donald Tusk, contre le président Kaczynski. Et un rival social-démocrate a également trouvé la mort dans l'accident de Smolensk.
Très cruellement, la Pologne tourne une page de son histoire, une histoire incarnée par la personnalité et l'action de Lech Kaczynski. Conservateur, exact reflet d'une grande partie de la société, il était l'homme de la méfiance, d'une méfiance atavique dictée par un passé douloureux, tant envers l'Allemagne que la Russie et l'Europe. Non pas que le président Kaczynski ait été europhobe comme ses atermoiements sur la ratification du traité de Lisbonne l'ont fait croire, mais il ne pouvait envisager une perte, même infime, de souveraineté nationale : il a fallu des siècles pour reconquérir cette souveraineté contre la Prusse et l'Empire russe qui avaient dépecé le pays, contre l'Allemagne nazie et l'URSS ensuite.
Pourtant, Lech Kaczynski savait que la Pologne du XXIe siècle devait se rapprocher de l'Allemagne, surtout sur le plan économique malgré les obstacles posés par quelques nostalgiques de la Silésie allemande - et, d'ailleurs, exagérément exploités par Varsovie. La politique menée par son frère jumeau Iaroslav, Premier ministre jusqu'en 2007, puis pas Donald Tusk, a porté ses fruits : la Pologne est, en ces temps de crise, le seul pays européen à connaître une croissance continue. Et qui l'eût cru ? Elle accueille aujourd'hui des « Gastarbeiter » allemands cherchant outre-Oder le travail qui n'existe plus chez eux...
Enfin, Lech Kaczynski, tout en tout en gardant ses distances avec Moscou, ne pouvait ignorer que son pays si influent en Europe centrale était - géographie oblige - l'interlocuteur privilégié de la Russie. Certes, avec le Kremlin, les fils seront difficiles à nouer mais la rencontre Donald Tusk-Vladimir Poutine mercredi va déjà plus loin qu'une simple prise de contact.
Que le président de la République polonaise et son entourage aient trouvé la mort en se rendant à Katyn, la tombe collective de milliers d'officiers et d'intellectuels polonais assassinés par les communistes, s'inscrit parmi les plus cruelles ironies de l'Histoire. Comme si un passé terrible pour la Pologne et pour la Russie, première victime du stalinisme, revenait au présent dans une catastrophe aérienne. Mais peut-être le charnier de Katyn sera-t-il, un jour, un autre symbole, celui d'une vraie réconciliation entre les deux pays. Pour le plus grand bien de tout le continent.

Jean-Claude Kiefer

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