Le chinois Geely Automobile va s'offrir la marque suédoise Volvo, mise en vente par Ford. Il s'agit de la plus grande acquisition effectuée par un constructeur chinois à l'étranger. L'opération, qui sera signée au premier trimestre, permettra à Geely, très peu présent hors de ses frontières, d'effectuer un saut technologique considérable.
Depuis hier, la Chine a pris pied dans le petit monde du haut de gamme automobile mondial. La marque Volvo passera bien aux mains du constructeur chinois Geely Automobile Holdings lors du premier trimestre 2010, a confirmé hier le groupe Ford, qui cherchait un acquéreur depuis un an. Moins de trois mois après avoir désigné la firme de Hangzhou comme son interlocuteur exclusif pour l'achat de sa marque suédoise (sans rapport avec le groupe AB Volvo, fabricant de camions et engins de travaux publics), Ford a souligné hier que tous les sujets de fond avaient fait l'objet d'un accord entre les deux parties, ouvrant la voie à une ratification dans quelques semaines. Le montant de la vente n'a pas été divulgué, mais on évoque un prix d'environ 1,8 milliard de dollars. Soit 3 fois moins que la somme déboursée par Ford en 1999 pour reprendre la firme de Göteborg, qui comptait alors une gamme beaucoup plus restreinte.
Un véritable joyau
Un coup magistral qui va permettre à Geely d'effectuer un saut technologique considérable, comme rarement en font les constructeurs. Geely, qui n'a décroché qu'en 2000 sa licence officielle pour construire des voitures, est quasiment absent de la scène internationale. Il signe là la plus grande acquisition d'un constructeur occidental par un groupe chinois. Le shanghaïen SAIC s'est certes payé les restes de MG Rover, son confrère de Pékin BAIC vient de se ruer sur certaines licences de Saab, et Tengzhong est en passe d'acquérir l'américain Hummer. Mais tout cela n'a rien à voir avec la surface et la valeur intrinsèque de Volvo. Réputée pour sa technologie et ses trouvailles en matière de sécurité active et passive, la firme de Göteborg, qui avait jadis échappé à Renault à l'époque de Louis Schweitzer, reste un véritable joyau, malgré ses pertes récentes liées à la crise du secteur (- 135 millions de dollars au troisième trimestre).
Avec sa gamme de dix modèles principaux, le suédois est solidement implanté aux Etats-Unis et monte en cadence en Chine. Rien à voir avec son compatriote Saab, confiné à deux modèles vieillissants et qui vend 4 fois moins de voitures que lui.
Plusieurs questions de fond restent cependant sans réponse. Pourquoi diable Ford, en moins grande difficulté financière que GM ou Chrysler (il est même sorti du rouge récemment), a-t-il laissé filer sa filiale suédoise et ses précieux brevets, au risque de créer un concurrent redoutable dans quelques années ? Les Chinois n'ont jamais fait mystère de leur volonté d'exporter à moyen terme leurs véhicules. De plus, les véhicules de Ford et de Volvo partagent de nombreux organes et technologies, à commencer par les équipements de sécurité. Pourquoi une marque comme Volvo, qui vaut moins de 2 milliards de dollars, n'a pas intéressé un constructeur occidental comme PSA, qui a bien du mal à s'imposer dans le haut de gamme avec ses Peugeot 607 et Citroën C6 ? Enfin, que vont devenir les actifs industriels de Volvo et ses 20.000 employés ? L'accord d'hier ne le dit pas, même si Geely s'est précédemment engagé à laisser en place les usines, les accords sociaux et les concessionnaires. Volvo compte principalement deux usines en Suède, un site en Belgique et un autre plus récent en Chine.
Pas plus de style qu'une Lada
Face à la passivité de ses homologues européens ou japonais, Li Shufu, le président-fondateur de Geely, doit rire sous cape. D'extraction très modeste, cet ingénieur en mécanique qui s'est intéressé d'abord aux réfrigérateurs et aux motos n'a pas encore réussi à s'imposer dans l'automobile. Davantage connues pour leurs très bas prix (5.000 à 6.000 dollars) que pour leur obscur blason, les Geely n'ont pas plus de style ni d'atouts que les plus ennuyeuses Lada en Russie. Présentes dans les campagnes, elles ont plus de mal à se frayer une place dans les avenues de Pékin ou de Shanghai.
A la manière de l'indien Tata Motors, qui s'est offert simultanément Jaguar et Land Rover (également acquis auprès de Ford), il lui faudra prendre garde à maintenir une « muraille de Chine » entre ses marques Geely et Volvo, au risque de couler définitivement sa perle européenne.
DENIS FAINSILBER, Les Echos
L'EUROPE EST-ELLE INCAPABLE DE CONSERVER LES FLEURONS DE SES SECTEURS DE QUALITÉ ?
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