TOUT EST DIT

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mercredi 23 décembre 2009

De coup d'éclat en coup de colère, le débat sur la burqa divise la majorité

Les activités parlementaires devaient être suspendues, mercredi 23 décembre, pour les fêtes de fin d'année. Avant que les portes du Palais-Bourbon se referment, le président du groupe UMP, Jean-François Copé, s'est réservé un dernier effet de surprise. Il a annoncé le dépôt, dès la première quinzaine de janvier 2010, d'une proposition de loi visant à interdire le port de la burqa "dans l'espace public".
Effet garanti, car la mission parlementaire sur la pratique du voile intégral, qui regroupe des représentants de toutes les forces politiques, travaille encore. Elle ne doit rendre son rapport qu'à la fin du mois de janvier. Sans attendre ses conclusions, M. Copé précipite donc le mouvement et décide d'accélérer le calendrier législatif, même si, en tout état de cause, le texte ne pourra pas être examiné avant les élections régionales du mois de mars.

CAVALIER SEUL

Ce cavalier seul du président du groupe UMP a été désapprouvé par le président de l'Assemblée nationale. Bernard Accoyer a jugé l'initiative "prématurée". "Sur une telle question de société, mettant en jeu les principes fondamentaux de notre République, la recherche prioritaire d'un large consensus s'impose", a-t- il rappelé dans un communiqué, visiblement irrité par ce coup d'éclat.

"Chacun est dans son rôle, mais, je vais vous dire, cela ne m'empêchera pas de dormir", s'est contenté de commenter M. Copé. De fait, le président du groupe UMP a préempté ce débat depuis que, à l'initiative du député (PCF) du Rhône, André Gerin, la question du port du voile intégral sur le territoire français a été soulevée.

Le jour même où la mission parlementaire était installée, début juillet, Jean-François Copé prenait position pour "une loi d'interdiction précédée d'une phase de dialogue, d'explications et d'avertissements". Parallèlement, il mettait en place son propre groupe de travail, coprésidé par Nicole Ameline et François Baroin.

A présent, il prend une nouvelle fois de court la représentation parlementaire en déposant un texte de loi portant la seule signature de l'UMP. Celui-ci, se fondant sur "des motifs d'ordre public et de sécurité", devrait stipuler qu'aucune personne, hors circonstances exceptionnelles, ne peut évoluer dans l'espace public le visage entièrement recouvert. Une formule qui ne porte pas exclusivement sur le voile intégral, afin de ne pas s'exposer à un risque d'inconstitutionnalité, mais l'inclut de fait.

M. Copé a annoncé simultanément le dépôt d'une proposition de résolution – qui n'a pas de valeur normative – appelant au respect des principes républicains et des droits des femmes. "Il va de soi que, si la mission apportait des éléments complémentaires à notre proposition de loi, nous les étudierions", a ajouté M. Copé lors de son point de presse.

"LE CONTRAIRE DE LA REVALORISATION DU PARLEMENT"

Réagissant à cette annonce, André Vallini (PS, Isère), jugeait ce "coup médiatique choquant". "C'est le contraire de ce qu'on appelle la revalorisation du Parlement, s'indignait l'ancien président de la commission d'enquête sur les dysfonctionnements de la justice à Outreau. C'est faire peu de cas du travail d'une mission parlementaire et se comporter de façon hégémonique."

M. Copé ne fait pas que prendre de vitesse la mission parlementaire. Par la même occasion, il brûle la politesse à l'UMP, qui devait également, au cours du mois de janvier, faire part de sa position officielle auprès de la mission.

Le secrétaire général du parti présidentiel, Xavier Bertrand, s'était jusqu'à présent montré plutôt réservé à l'idée d'une loi. Tout en soulignant qu'"il faut vraiment attendre les conclusions de la mission", il penche dorénavant pour "un ensemble cohérent : la loi, la résolution, la circulaire, la pédagogie".

Le débat n'est pas clos pour autant, y compris au sein du groupe UMP, même si, selon Christian Jacob, proche de M. Copé, "90 % du groupe sont aujourd'hui sur cette position". Toutefois, mardi matin, malgré les précautions préalables dont s'était entouré le président du groupe afin d'"éviter les amalgames", le tour pris par la discussion a provoqué un coup de colère de Nora Berra.

La secrétaire d'Etat aux aînés a claqué la porte de la salle Colbert, où se réunit à huis clos le groupe majoritaire, après avoir entendu Pascal Clément (UMP, Loire), déclarer que, "le jour où il y aura autant de minarets que de cathédrales en France, ce ne sera plus la France". La secrétaire d'Etat a jugé ces propos "insupportables".

Si un tel geste de la part d'un membre du gouvernement est rarissime, l'entourage de Mme Berra assure qu'il s'agit d'"une décision réfléchie". "Nora Berra ne veut pas qu'il y ait des amalgames entre la burqa, l'immigration, les mosquées. Le danger, ce sont les amalgames. C'est comme le coup de la casquette à l'envers [en référence aux propos tenus par Nadine Morano]", estime un membre de son cabinet.

"MADAME MERRA, VERRA, JE NE SAIS MÊME PAS SON NOM..."

D'autres membres du gouvernement ont également pris leurs distances. Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat chargée de la prospective, dit attendre "un débat d'un autre niveau", tandis que Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités, estime qu'"il y a des bornes à ne pas franchir".

M. Clément a démenti les propos qui lui étaient reprochés. "J'ai toujours été favorable aux lieux de culte, quels qu'ils soient. S'agissant des minarets, j'ai dit qu'il s'agissait d'un problème d'urbanisme. Je refuse qu'on m'associe à Le Pen. Quant à Mme Merra, Verra, je ne sais même pas son nom... on me dit que c'est le sujet qui l'a agacée", a déclaré l'ancien ministre de la justice à la sortie de l'Hémicycle.

"Je voulais en effet donner un signal fort", a expliqué l'intéressée, mercredi, sur Europe 1. L'échange a été "intéressant jusqu'au point où un député a en effet tenu ce genre de propos qui, pour moi, allait à l'encontre de la règle et du fondement de la laïcité", a-t-elle poursuivi. "Quand on entend ce genre de propos, on a une image passéiste de la France qui nous renvoie à une certaine tranche de la population." Et "ce débat [sur l'identité] trouve plus que jamais sa nécessité", a ajouté Mme Berra.

Dans un communiqué diffusé un peu plus tard, M. Clément reprochait à "Mme Berra, qui n'a jamais été députée", de "chercher la publicité sur le dos d'un ami politique".
Patrick Roger

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