TOUT EST DIT

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mardi 10 novembre 2009

L'Ostalgie fait son business

Célébrée dans le film « Good bye Lenin », la nostalgie de la vie quotidienne en Allemagne de l'est, appelée Ostalgie, n'est pas seulement un phénomène sociologique ou politique. C'est aussi une belle niche commerciale.

Ne confondez pas ! L'Ostalgie, il y en a deux. La « vraie », celle ressentie par les anciens citoyens de RDA. Et la « fausse », c'est-à-dire l'engouement des touristes étrangers et ouest-allemands, pour tous les vestiges d'Allemagne de l'est, perçus comme éléments du folklore berlinois. Ainsi, les meilleurs clients de Martina, vendeuse de souvenirs sur Unter den Linden, la grande avenue qui mène à la Porte de Brandebourg, ne sont pas les Ossis (surnom donné aux gens de l'est) : « Ils rentrent dans le magasin et s'amusent parfois en voyant leur Ampelman sur tous nos produits. Mais ceux qui achètent, ce sont surtout les touristes étrangers », explique-t-elle. Les Ampelmänchen, les petits bonhommes rouge et vert des feux de circulation est-allemands, sont les images de RDA les plus vendues. On les retrouvent sur des calendriers, des ballons de football, des tasses, des sacs, des chaussures, des T-Shirts, etc...

« Pour les gens de l'ouest, l'enthousiasme pour l'est est souvent plus grand qu'à l'est même », explique Daniel Stiegler, porte-parole de Herpa, l'entreprise bavaroise de modèles réduits qui a racheté les droits de la Trabant et la fabrique en miniature: « Pour eux, c'est rarement lié à des souvenirs personnels. C'est gentil, c'est marrant, c'est culte. Les gens de l'est n'ont pas toujours la même approche insouciante », explique-t-il.

A Berlin, divers commerçants ont su répondre à cette attente touristique. Tel l'Ostel, « l'hôtel au design RDA ». Ouvert le 1er mai 2007, jour anniversaire des « masses laborieuses », l'Ostel offre des chambres décorées avec du mobilier original de RDA. On peut aussi choisir le dortoir à 9 euros la nuit, façon camp de jeunes pionniers communistes. Situé dans un quartier branché de bars et de boites, à Berlin-est bien sûr, l'Ostel s'est installé dans un rébarbatif HLM est-allemand. Dans le hall, le visiteur est accueilli par la photo d'Hans Zimmermann, ancien président du Parlement est-allemand, pendant que dans les chambres, tapissées de papiers peints aux motifs géométriques jaune pâle ou violet, c'est le portrait d'Erich Honecker qui trône au-dessus du lit, non loin de la « mufuti », la table multifonction est-allemande.

« Cela n'a pas été facile de retrouver tous ces meubles en bon état. Nous faisons les puces et parfois les gens nous appellent quand ils vident la maison de leur grand-mère », explique Daniel Helbig, l'un des deux propriétaires, qui assure que sa démarche n'a rien de politique : « La politique, on s'en fout. Je ne suis pas un nostalgique. Chez moi, c'est meublé moderne. Nous voulons juste offrir aux gens le sentiment d'y avoir été ». Sa clientèle est surtout jeune et étrangère, mais pas seulement : « Le jour de l'inauguration, j'ai aussi eu un monsieur de Dresde et sa femme qui sont arrivés en Jaguar. Ils voulaient revivre une nuit « comme avant ». Ils étaient ravis », se rappelle-t-il. S'amuser et peut-être se rappeler un bon moment.

C'est aussi l'idée du Trabi-Safari que l'on peut faire Berlin ou à Dresde. Après la chute du mur, les frères Ricco et André Heinzig ont eu l'idée de récupérer quelques Trabants en bon état et de les retaper. Et pour la coquette somme de 45 à 90 francs suisses, on peut, seul ou entre amis, louer la « Trabi Léopard » ou encore la « Ferrabi ». Après une courte séance d'initiation aux subtilités du moteur à deux temps et du freinage sans servofreins, on se laisse alors guider au volant de sa Trabi dans les rues de Berlin-est. Un bon moyen de devenir soi-même la cible des appareils photos des touristes.

A Stassfurt, au sud de Magdebourg, le business de l'Ostalgie a un tout autre visage. Une queue s'allonge le long d'un grand hangar vétuste : « C'est comme avant, on fait la queue devant les magasins », pouffe Lindi Beucke qui est venue d'une ville voisine à l'occasion de la « vente d'usine » organisée par OST-Best, la petite entreprise de Michael Woizik. Ancien militaire et garde du corps, cet Allemand de l'est qui a aussi connu le chômage et l'aide sociale, commercialise des stocks issus des magasins d'Etat de la RDA : « L'Etat les utilisait pour bourrer les rayons de marchandises en cas de grandes manifestations ou de fêtes. De quoi créer l'illusion d'abondance», explique celui-ci qui vend aussi ses produits sur Internet et les envoient jusqu'en Australie.

"Les produits de l'est étaient aussi solides que ceux de l'ouest"

Entre les racks, une clientèle aux cheveux gris s'affaire et discute en spécialiste. Là, quelques coquetiers en plastiques, ici des trousses de toilettes comme on en distribuait sur les vols Interflug, plus loin, ces « merveilleux » peignes de 30 cm que l'on portait crânement dans la poche arrière : « J'adore ces ventes. On y retrouve des gens qui ont la même histoire que vous, on peut discuter d'avant. Pour moi, c'est plein de bons souvenirs», explique Mme Beucke, commerçante de son état. Celle-ci se déclare à 100 % en faveur de la Réunification : « Mais je n'ai pas oublié ma vie d'avant pour autant. Et puis vous savez, les produits de l'est étaient aussi solides que ceux de l'ouest. Et souvent avec moins de chimie », précise-t-elle.

Dans l'Ostalgie pointe évidemment un brin de fierté régionale pour tous ces produits fabriqués par de valeureux travailleurs. C'est en partie sur cette base que les salons OSTPRO se sont développés dans plusieurs villes d'Allemagne de l'est. Très professionnels, ces salons réunissent des centaines d'exposants et attirent des milliers d'Allemands de l'est.

Mais cette fois, il n'est plus seulement question seulement d'Ostalgie. Du mousseux Rotkäpchen à la crème de soins Florena en passant par les dentelles de Plauen ou les chocolats Rotstern, on y retrouve toute la gamme des entreprises et produits est-allemands qui ont survécus à la chute du mur et réussis, parfois brillamment, à s'adapter à l'économie de marché.

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