TOUT EST DIT

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mardi 10 novembre 2009

Grandes écoles : un modèle en danger

L'initiative est rare, mais elle a fait du bruit dans le landerneau des grandes écoles. Le 1er octobre, Paul Jacquet, le président de la Conférence des écoles françaises d'ingénieurs, interpellait Valérie Pécresse par lettre interposée. Il y exprimait tout haut, ce que beaucoup de directeurs pensent tout bas. A ne parler que des universités et de leur transformation ("Ce qui était nécessaire", s'empressent d'ajouter les directeurs), la ministre de l'enseignement supérieur ne dit mot des grandes écoles.
M. Jacquet prévient du "malaise croissant ressenti par [les] directeurs et qu'ils identifient au mieux comme un constant désintérêt de [sa] part". C'est d'autant plus incompréhensible, poursuit-il, qu'"au cours des dix dernières années, les effectifs de l'enseignement supérieur français n'ont eu de cesse de décroître [– 15 % entre 1998 et 2008], alors même que sur la même période, les effectifs des écoles progressaient de 12 %".

Pierre Tapie, nouveau président de la Conférence des grandes écoles (CGE), n'a rien dit d'autre en cette rentrée. Alors que les quelque 440 écoles françaises forment 40 % des étudiants français au niveau mastères, il serait temps que l'Etat les aide à surmonter leurs difficultés financières. En clair : "Occupez-vous de nous !"

Valérie Pécresse étant sortie du sérail (HEC, puis ENA), ce serait la moindre des choses… Cependant, les temps changent. La mondialisation de l'enseignement supérieur et la crise économique sont passées par là. Si les grandes écoles font toujours en France figure de formation d'excellence, ce nouvel environnement les oblige aujourd'hui à changer.

LE TEMPS EST AU REGROUPEMENT DES ÉCOLES ET DES UNIVERSITÉS

Pour s'adapter, ce ne sont pas les atouts qui manquent. Avec leur formation professionnalisante, leur pédagogie souvent innovante, leur bon taux d'insertion professionnelle, leur chance – dénoncée par les uns, louée par les autres – de sélectionner leurs étudiants et leur savoir-faire en matière de partenariat avec les entreprises, elles ont toutes les cartes en main.

Mais, voilà, les grandes écoles ont aussi un lourd passif. Ces dernières années, les essais et les prises de position critiques pleuvent contre un système qui a du mal à s'ouvrir à de nouveaux publics, qui formate et reproduit les élites, et qui mène peu de recherches. Pis, les ingénieurs formés dans les meilleures grandes écoles d'ingénieurs ont plus alimenté ces dernières années les salles de marchés que les ministères ou les entreprises de construction ou de production. Avec les conséquences que l'on connaît.

Alors Grandes écoles : la fin d'une exception française (Calmann-Lévy), comme le titraient en 2008 les journalistes Thomas Lebègue et Emmanuelle Walter ? Pas tout à fait. Les grandes écoles vont conserver leur identité, tout en s'associant plus étroitement aux universités.

En effet, "sous le double effet de la mondialisation de l'enseignement supérieur et de la concurrence, traduite par les grands classements internationaux, nous assistons à une homogénéisation des formes institutionnelles et une standardisation des diplômes. L'université est aujourd'hui le modèle par excellence, et les masters et PhD [le doctorat version anglo-saxonne], sont les offres standardisées", schématise Cyrille Van Effenterre, le délégué de Paritech, pôle de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) rassemblant douze des plus grandes écoles d'ingénieurs parisiennes.

Qu'elles soient multidisciplinaires, monodisciplinaires, ou de technologie, les universités sont la norme dans le monde. Les écoles ne peuvent le nier. Si, pour la CGE, les grandes écoles sont déjà en soi de petites universités, le temps est au regroupement sous une même bannière des écoles et des universités. De fait, insiste Pierre Tapie, "la distinction université-grande école est aujourd'hui obsolète"; les écoles proposent des diplômes communs avec les universités, quand ces dernières ouvrent des classes préparatoires aux grandes écoles…

Le gouvernement souhaite aller plus loin et encourage les regroupements thématiques enclenchés ces derniers mois par les écoles d'ingénieurs afin de s'inscrire et de peser dans ces PRES. L'université de demain regroupera en son sein universités et grandes écoles.
Philippe Jacqué

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