TOUT EST DIT

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jeudi 12 novembre 2009

La délicate question du droit à l'oubli sur Internet

"Je crois avoir montré mes fesses à la Saint-Nicolas, en 1969. Je ne le fais plus depuis. Et je n'aimerais pas que cela me poursuive encore." En une anecdote, Alex Türk, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) résume l'enjeu du droit à l'oubli sur Internet. Depuis l'avènement des forums, des blogs et encore plus des réseaux sociaux, la question de la conservation des données publiées par tout un chacun sur le Web ne cesse de grandir.
Que faire pour empêcher son futur employeur, son voisin, sa famille de consulter des photos ou des textes mis en ligne il y a plusieurs années et que l'on préférerait voir disparaître ? Que faire quand on peut retracer toute la vie d'un inconnu en puisant uniquement ses sources sur Google, comme l'avait fait le magazine Le Tigre ? L'avènement d'un "droit à l'oubli numérique" est l'objet une récente proposition de loi sénatoriale, ainsi que d'une conférence qui était organisée par le secrétariat d'Etat à l'économie numérique, jeudi 12 novembre, à Sciences Po.

Pour Alex Türk, l'enjeu est de "retraduire une fonction naturelle, l'oubli, qui fait que la vie est supportable". La proposition de loi des sénateurs Yves Détraigne (Union centriste) et Anne-Marie Escoffier (Parti radical de gauche) suggère ainsi la suppression des données sur simple demande par courriel et l'information sur leur durée de conservation. "Le but est de protéger ceux qui ne sont pas conscients des données qu'ils peuvent laisser sur Internet, les mineurs notamment", explique Yves Détraigne.

LES GÉANTS DE L'INTERNET PLAIDENT LA BONNE FOI

Seul problème : cette éventuelle nouvelle législation n'aurait aucun effet sur les leaders américains du Web. "C'est bizarre, il n'y a pas de traduction en anglais pour 'droit à l'oubli'", s'amuse Peter Fleischer, le responsable de la protection des données personnelles chez Google, qui rappelle que c'est justement l'exploitation des données personnelles qui a fait le succès de son moteur de recherche. "Nous sommes présents dans 180 pays, nous ne pouvons pas nous adapter à 180 législations différentes" plaide-t-il par ailleurs, en vantant le nouveau service Dashboard mis en place par l'entreprise : "Nous sommes les premiers à rendre disponible pour tous les internautes l'ensemble des informations que nous avons collectées sur eux, en leur proposant de les supprimer", explique-t-il.

Tous les géants de l'Internet plaident la bonne foi. Microsoft vante son dispositif qui permet de scinder dans ses serveurs le traitement des données personnelles de l'historique de navigation. Pagesjaunes.fr "ne piste pas les internautes". Skyblog offre "gratuitement" la suppression des comptes. Facebook met en avant la possibilité récente de supprimer totalement son profil des serveurs, sans préciser que cette avancée a été obtenue par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, qui menaçait de poursuites judiciaires le réseau social s'il ne respectait pas sa législation sur la protection des données personnelles.

"Il ne serait pourtant pas très difficile de bâtir une technologie universelle utilisable par tous les internautes sur tous les sites pour assurer un contrôle total de ses données personnelles, plaide Daniel Le Métayer, de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, mais il faudrait que le législateur agisse pour pousser les entreprises à financer cette recherche."

"NOUS AVONS BESOIN D'UNE PÉRIODE DE CONCERTATION AU NIVEAU INTERNATIONAL"

Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat au numérique, ne soutient pourtant que du bout des lèvres la proposition de loi sénatoriale. "Nous avons d'abord besoin d'une période de réflexion et de concertation au niveau international" assure-t-elle, sans se faire d'illusions : "Nous ne mettrons pas tout le monde d'accord sur la protection des données personnelles, mais on peut essayer de s'entendre sur une durée de détention maximum des données." Elle se donne "quelques mois" pour y arriver. En parallèle, elle prône, jeudi, dans Libération, un système de labellisation français qu'obtiendraient les sites en fonction du niveau de protection des données personnelles qu'ils offrent.

En attendant, tous les acteurs d'Internet assurent se discipliner. Les réseaux sociaux ? Une liste de principes pour "favoriser l'éducation à la sécurité et aux politiques" ou "responsabiliser les utilisateurs". Les recruteurs ? Une charte pour "limiter le recours aux réseaux personnels, du type Facebook ou Copains d'avant" dans les procédures de recrutement. Les publicitaires ? Un livre blanc sur "le ciblage publicitaire et le respect de l'internaute" qui déconseille le "rapprochement des données personnelles et de comportement" des consommateurs sur Internet. La meilleure solution restant évidemment d'éviter les appareils photos et les téléphones portables dans les soirées trop arrosées ou d'apprendre à protéger seul sa vie privée sur Internet.

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