TOUT EST DIT

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dimanche 18 octobre 2009

Une révolution feutrée au Palais du Luxembourg, par Patrick Roger

Lorsque Gérard Larcher a été élu, le 1er octobre 2008, à la présidence du Sénat, son engagement à rénover l'institution a pu être accueilli avec un brin de scepticisme. Sa détermination n'allait-elle pas se heurter au conservatisme d'une assemblée et de son administration fossilisées par l'absence d'alternance ? Ses promesses résisteraient-elles aux habitudes d'un personnel politique plus prédisposé aux intrigues de palais qu'aux bouleversements de son train de vie ? Un an après, le bilan plaide en sa faveur. Si le Sénat n'a pas changé de nature, son image est en train d'évoluer. Sur l'ensemble des chantiers engagés, la plupart sont en passe d'aboutir.
L'"autorité ronde et chaleureuse", selon l'expression du secrétaire général de l'UMP, Xavier Bertrand, du président du Sénat n'explique pas tout. Au début de son mandat, M. Larcher partait avec ce qui pouvait passer pour un handicap. L'UMP ayant enregistré un nouveau recul lors du renouvellement sénatorial de septembre 2008, la majorité était fragilisée. Beaucoup y voyaient une promesse d'immobilisme. Il en a fait un atout, en jouant la carte du fonctionnement collectif des structures et en y associant l'opposition.

Ainsi, la composition du bureau du Sénat (26 membres) a été établie sur la base d'une stricte proportionnalité avec celle des groupes. La généralisation du vote per capita au bureau a engendré une obligation de dialogue. En retour, le résultat des votes engage l'ensemble de ses membres.

Du côté de la majorité sénatoriale, où les cicatrices de la primaire ayant opposé M. Larcher à Jean-Pierre Raffarin pour la présidence du Sénat n'étaient pas totalement refermées, les mises en garde "désintéressées" n'ont pas manqué. Aux yeux de ses détracteurs, le président du Sénat cherchait à "s'arranger" avec l'opposition pour pouvoir se maintenir dans le cas où, lors du prochain renouvellement de 2011, dernière étape avant l'élection présidentielle de 2012, les rapports de forces s'inverseraient sans pour autant dégager une majorité stable. Tandis qu'une partie de l'administration sénatoriale faisait le dos rond en espérant que les velléités décapantes du nouveau maître de maison s'épuiseraient.

Sans brusquer les choses ni braquer ceux qui pouvaient s'opposer au changement, le successeur de Christian Poncelet est parvenu à ses fins. Ce n'est pas un dépoussiérage, c'est une vraie rupture qui est en train de s'opérer. Sur le plan du fonctionnement, tout d'abord : réduction des dépenses, transformation des appartements de fonction en bureaux, encadrement des groupes d'étude et des groupes d'amitié, non-reconduction de manifestations culturelles dont l'objet n'avait que peu à voir avec les missions du Sénat...

Un des dossiers les plus lourds - car s'entremêlant avec des actions en justice -, le Musée du Luxembourg, est en voie de règlement avec le lancement de l'appel d'offres pour une délégation de service public. Enfin, à l'issue d'un audit mené par un cabinet privé, la réorganisation administrative du Sénat va être mise en oeuvre. Une révolution feutrée.

Parallèlement, la politique a repris ses quartiers au Palais du Luxembourg. L'absence de majorité absolue au Sénat a permis l'émergence d'un véritable débat quand, à l'Assemblée nationale, celui-ci se résume trop souvent à une stérile confrontation. Aucun groupe n'ayant à lui seul la majorité, le gouvernement doit convaincre les rapporteurs d'aller au fond, les responsables de la majorité de prendre en considération ceux de l'opposition et tenir compte des groupes minoritaires.

La majorité n'étant pas arithmétiquement acquise, elle doit être politiquement gagnée. Bien sûr, cela ne bannit pas les combinazione. Il n'empêche : le débat législatif ne s'y limite pas à une "coproduction" à guichet fermé entre hyperego. On l'a vu encore récemment, sur le projet de loi pénitentiaire et la question de l'encellulement individuel : le Sénat peut non seulement infléchir un texte du gouvernement, mais également faire prévaloir son point de vue.

Fort de cette influence reconquise, M. Larcher trace son chemin. Au moment où le "système Sarkozy" commence à générer des inquiétudes dans les rangs de la majorité, le président du Sénat apparaît en mesure de porter une vision moins "clivante" de la société. Il n'est pas étonnant que ce soit au Sénat que se manifeste la contestation la plus virulente des projets de réforme territoriale et de financement des collectivités.

Plus significative est la conviction affirmée par M. Larcher à l'égard de la Turquie, en refusant de fermer a priori la porte à son intégration européenne. Sur un dossier de politique étrangère, le président du Sénat a fait entendre sa différence. C'est suffisamment rare pour être relevé.

"La loyauté n'exclut pas l'autonomie", résume celui qui, à l'inverse de Jean-François Copé, ne prétend pas se poser en alter ego de Nicolas Sarkozy. Là où le président de la République et celui du groupe UMP de l'Assemblée cherchent d'abord à enfoncer des coins chez l'adversaire, lui propose le rassemblement. Il rassure. Et si, dans cette période de périls et d'incertitudes, cela n'était pas le meilleur antidote à la maladie des "hyper" ?

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