vendredi 21 février 2014
Les leçons de Schopenhauer à M. Hollande
Le philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860) avait tout pour être français, notamment une liberté d'esprit et un pessimisme noir grâce auxquels il écrivit plusieurs livres plus ou moins réjouissants, dont le célèbre Art d'être heureux (1), toujours d'actualité.
On en a plus que besoin : la politique française est devenue une maison de fous. Quand elle ne tourne pas autour de Dieudonné, elle s'enflamme autour du premier fait divers venu ou d'un livre pour enfants, "Tous à poils !", dont on ne comprend pas en quoi il mériterait la mise à l'index préconisée avec indignation par M. Copé. Mystère.
À croire que tout est bon pour ne pas parler des choses importantes, celles qui concernent l'avenir du pays et qui se jouent en ce moment : si M. Hollande a vraiment changé de cap, ce qui semble être le cas, il est temps qu'il agisse pour mettre ses actes en conformité avec son discours, que toutes les forces vives débattent de la nouvelle politique à mener et que l'opposition ajoute, comme il se doit, son grain de sel.
Au lieu de quoi le psychodrame français continue, au rythme d'un scandale, faux ou pas, par jour. Du calme ! Plutôt que de péter les plombs, les Français et leurs élus seraient bien inspirés de suivre au plus vite quelques-unes des "cinquante règles de vie" de "L'art d'être heureux", d'après Schopenhauer.
1. La vie est une longue désillusion que la mort abrège. Nous arrivons au monde, pleins de rêves de bonheur et de jouissance qui s'avèrent rapidement chimériques. C'est pourquoi la première règle est de chasser du présent nos douleurs et nos souffrances en cessant de nous préoccuper d'un destin qui peut à tout moment nous tomber dessus, sur les bras et "même sur le nez". S'il a au moins l'avantage d'ouvrir les yeux des myopes, le catastrophisme ne mène nulle part, à condition d'en sortir.
2. Évitons comme la peste la jalousie, qui nous détourne des vraies questions. Elle est de toutes les époques et de tous les continents, mais elle est notre plaie, à nous autres Français, toujours trop sensibles à ses sirènes. Elle est la mère de l'antiaméricanisme, de la germanophobie ou, ces dernières années, de la sinophobie. Au lieu de tirer des leçons de nos échecs, la bien-pensance socialisante ne cesse d'en donner aux pays qui réussissent sous prétexte qu'ils céderaient à l'affreux libéralisme. Contemplons, dit Schopenhauer, ceux qui vont plus mal que nous plus souvent que ceux qui vont moins mal que nous.
3. "On n'apprend pas à vouloir", disait Sénèque. Après avoir hésité, dévié ou procrastiné, l'homme doit savoir ce qu'il veut et ce qu'il peut : c'est seulement ainsi, armé de "la pleine certitude de la nécessité immuable", qu'il "montrera du caractère" et "accomplira quelque chose de juste". Premier message personnel à l'intention de François Hollande.
4. "Méditer sûrement la chose avant de la mettre en oeuvre" : mais une fois que le processus est engagé et qu'on en attend l'issue, " il est absurde de s'inquiéter en pesant tous les risques possibles". Selon Arthur Schopenhauer, il faut alors arrêter de se prendre la tête et se rassurer avec "la conviction que tout a été bien réfléchi en temps voulu". Encore un message personnel à l'intention de François Hollande.
5. Par mauvais temps, il vaut mieux "limiter le cercle de ses relations" afin de laisser "moins de prise au malheur". Sur le plan des sondages, c'est une réussite totale : les Français sont de plus en plus nombreux à se détourner du chef de l'État. Si, de surcroît, les braillards de la gauche énervée quittaient le PS, ce qu'ils n'auront au demeurant pas le courage de faire, M. Hollande serait sans doute soulagé. Plus seul mais plus heureux.
6. "Un homme qui reste serein en dehors de tous les accidents de la vie" montre qu'il considère le malheur actuel comme "une très petite part de ce qui pourra arriver". C'est l'attitude olympienne, adoptée jusqu'à présent par M. Hollande devant les avanies en tout genre.
7. Il importe de "tenir en laisse nos envies" et de savoir "dompter notre colère". Toujours selon Schopenhauer, ce qui nous rend malheureux pendant la première moitié de notre vie, c'est de croire que celle-ci a été faite pour la jouissance et le bonheur. Partir à leur poursuite est le plus court chemin qui mène au malheur. C'est pourquoi les Français sont un peuple jeune, apparemment pas prédisposé aux remèdes churchilliens du sang, de la sueur et des larmes.
Qu'elle prenne des voies schopenhauériennes ou non, il est temps que la France se réconcilie avec le bonheur, un mot, comme "bravo", dont sa langue est en train de perdre peu à peu l'usage.
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